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la chronique américaine Elon Musk, antisémite ?

Depuis une quinzaine d’années, Elon Musk ne cesse pas d’occuper le premier plan de l’actualité scientifique, financière et politique. Il est vrai que le personnage est exceptionnel, plus encore que Henry Ford, le roi de l’automobile, que John Rockefeller, le roi du pétrole ou que J. Pierpont Morgan qui domina l’histoire de la banque aux États-Unis. Plus encore que Jeff Bezos avec Amazon, Mark Zuckerberg avec Facebook devenu Meta, Larry Page avec Google, Steve Jobs, Tim Cook ou Bill Gates. Tous illustrent les innovations, bonnes ou moins bonnes, de notre époque. Dans cette liste, il manque un nom prestigieux, celui d’un inventeur génial, de l’homme le plus riche du monde, Elon Musk. Walter Isaacson vient de publier une nouvelle biographie qui raconte les inventions, les obsessions, les succès spectaculaires d’un surdoué, les rêveries d’un esprit marqué par le syndrome d’Asperger.
Des rêveries, peut-être, mais aussi et surtout des réalisations à couper le souffle. Au début des années 2000, Musk fait fortune en créant PayPal, une banque en ligne qui permet de payer à distance. Puis, il fonde SpaceX, qui construit des engins spatiaux. Il ne tarde pas à mettre sur pied une autre société, Tesla, qui, elle, fabrique des voitures électriques.


En 2006, il participe à la création de SolarCity, qui distribue de l’énergie solaire. Chemin faisant, il participe activement au développement de l’intelligence artificielle, et dans celui de la neuro-technologie. Et puis, persuadé qu’une catastrophe gigantesque menace les terriens, il s’emploie à lancer des fusées qui, un jour, atteindront la planète Mars. Le réseau de télécommunications, Starlink, exploité par SpaceX, c’est encore lui. Dans son combat contre la Russie, l’Ukraine recourt à ce réseau qui lui rend des services indispensables, et qui donne à Musk la possibilité d’intervenir dans cette guerre – il a refusé que Starlink serve à attaquer la flotte russe en mer Noire. Ses motivations ? « Si j’avais accédé à leur demande,
dit-il, alors SpaceX aurait été explicitement complice d’un acte de guerre majeur et d’une escalade du conflit ». Ce qui démontre que Musk tient un rôle capital dans le conflit qui oppose la Russie et l’Ukraine. En 2022, Musk a permis l’envoi à l’Ukraine de 15 000 terminaux gratuits avec batteries et panneaux solaires portables. Il y aurait plus de 100 000 stations Starlink sur le territoire ukrainien. Sans oublier les drones navals de surface, chargés de 450 kilos d’explosifs. Ce qui n’empêche pas Elon Musk, selon Isaacson, de déclarer que Starlink a été conçu « pour que les gens puissent regarder Netflix et se détendre, se connecter à l’école et faire de bonnes choses pacifiques, pas des frappes de drones ».

Musk vient d’acquérir Twitter, qu’il a rebaptisé X. Sa rivalité, pour ne pas dire la guerre, avec Mark Zuckerberg, le patron de Meta, est à la fois permanente autant que spectaculaire. Le réseau publie des messages de toutes origines – plus exactement, le réseau continue, sous le règne de Musk comme sous celui de son prédécesseur, de publier des messages provocateurs, voire racistes et antisémites. L’Anti-Defamation League, l’ADL qui combat l’antisémitisme, a été créée en 1913. C’est l’une des principales organisations juives. En 2018, elle a relevé que 4 200 000 tweets antisémites ont été publiés jusqu’au moment où Twitter a décidé de ne plus les laisser passer. Musk, en libertarien convaincu, est revenu sur cette interdiction, au nom de la liberté d’expression. L’antisémitisme fait un retour spectaculaire sur le réseau qu’il détient. La presse et les groupements antisémites applaudissent le patron de X. L’ADL dénonce l’orientation nouvelle du réseau. Dans le même temps, Twitter-X perd des abonnés et de l’argent.

Pour Musk, pas d’hésitation : l’ADL en est responsable. Il faut ajouter deux informations pour bien saisir le fond de la querelle. En 2022, le président de l’ADL, Jonathan Greenblatt, a chanté les mérites de Musk. Il a loué « un étonnant entrepreneur, un extraordinaire innovateur » . Il a terminé son éloge en comparant Musk à Henry Ford – sans doute a-t-il oublié que Ford fut un virulent antisémite, tout comme l’aviateur Charles Lindbergh. Voilà une controverse, qui ne manque pas de reposer sur des équivoques – du côté de Musk comme du côté de l’ADL. Aucun des deux camps n’a cédé. Twitter-X publie des tweets avec pour message : #BanTheADL. Musk mène campagne pour dénoncer les responsabilités de l’ADL dans la diffusion de l’antisémitisme. Il affirme que, lui, n’est pas antisémite, mais qu’il défend la liberté d’expression. De son côté, l’ADL déclare qu’elle ne réclame et ne pratique aucun boycott de X. Un nouvel épisode vient de surgir. Voilà que le ministre israélien des Affaires de la diaspora, Amichai Chikli, applaudit Musk – pour la bonne ou mauvaise raison que Musk attaque George Soros, un Juif d’origine hongroise, un survivant de la Shoah qui finance des mouvements de gauche, souvent hostiles à l’État d’Israël. Quant au Premier ministre d’Israël, il a bien l’intention de rendre visite à Musk, lorsqu’il se rendra aux États-Unis. Difficile, dans ces conditions, de classer le patron de Tesla, de SpaceX et de X dans le monde des antisémites. Difficile aussi de comprendre sa querelle avec l’ADL. André Kaspi

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