Monde

La chronique américaine Donald Trump sera-t-il candidat à la présidence ?

Voilà une question qui paraît saugrenue. Depuis novembre 2020, Donald Trump ne cesse pas d’affirmer, haut et fort, qu’il a remporté les élections présidentielles, que son adversaire démocrate lui a volé la victoire, qu’il prendra une revanche éclatante en novembre 2024. Et pourtant, ses adversaires politiques
ne cessent pas, eux, de tout faire pour l’empêcher d’être candidat. La Cour suprême du Colorado, composée de 7 juges qu’a nommés le gouverneur démocrate de l’État, a rendu un arrêt qui a bouleversé le monde politique. Un arrêt voté par quatre juges, rejeté par trois autres. Elle a déclaré que Donald Trump ne peut pas être candidat à la présidence. Il n’aurait pas le droit de concourir dans la primaire républicaine de l’État. Pourquoi ? Parce que l’article 3 du 14ème amendement l’exclut de la vie politique, plus précisément du tournoi électoral qui commencera, la semaine prochaine, avec les caucus de l’Iowa et se poursuivra, de primaires en primaires, jusqu’aux conventions nationales des partis qui désigneront leurs candidats à la présidence. En un mot, Trump ne pourrait pas prendre sa revanche sur Joe Biden. Il serait contraint d’assister en spectateur à la bataille des élections présidentielles. On devine aisément que ce serait, dans la vie politique des États-Unis, un bouleversement inimaginable, un véritable cataclysme. D’ailleurs, le Colorado n’est pas le seul des 50 États à prendre une décision quasiment révolutionnaire. D’autres États ont engagé une procédure identique, sous une forme ou sous une autre, sans aller jusqu’à rendre un arrêt identique à celui du Colorado. Des États ont déjà rejeté l’hypothèse ou bien restent dans l’expectative. Il va de soi que l’exclusion de Donald Trump devra être confirmée par la Cour suprême des États-Unis – composée, elle, de 9 juges, dont trois ont été nommés… par le président Donald Trump. L’embrouillamini est total. Il mêle des considérations politiques, locales et juridiques. À vrai dire, il témoigne surtout des profondes divisions qui fracturent la vie politique aux États-Unis et du bouleversement qu’ont provoqué la candidature, la campagne électorale et les arguments (répétés inlassablement) de Trump. Les 4 juges du Colorado prennent appui sur le 14ème amendement à la Constitution fédérale qui a été ratifié en 1868 – oui, il y a 156 ans. La guerre de Sécession avait pris fi n en 1865. L’article 3 dispose que « Nul ne sera sénateur ou représentant au Congrès, ou électeur des président et vice-président (…) qui, après avoir prêté serment (…) de défendre la Constitution des États-Unis, (…) aura pris part à une insurrection ou à une rébellion (..) ou donné aide ou secours à leurs ennemis ». L’amendement a été appliqué, en 1875, dix ans après la fin du conflit, à l’élection au Sénat de Jefferson Davis qui avait présidé la Confédération des États du Sud. On notera que dans le texte de l’amendement ne figure pas la fonction présidentielle ni la candidature à cette fonction. Il n’empêche que, dès le 10 janvier 2021, la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, demande à ses collègues d’appliquer l’article 3 à Donald Trump qui cessera d’être président des États-Unis le 20 janvier. Il aurait, le 6 janvier, incité la foule de ses supporters à manifester violemment autour et dans le Capitole. Ce n’est pas cette procédure qui est appliquée, mais un procès en « impeachment », voté par les élus démocrates et par 10 élus républicains. Le procès devant la Chambre commence le 25 janvier. Conformément à la Constitution, le Sénat est saisi par la Chambre. La majorité des deux tiers n’est pas atteinte : 57 sénateurs condamnent Trump, et 43 refusent de le condamner.

En conséquence, la Cour suprême du Colorado peut faire référence à « l’impeachment » de 2021 (le deuxième qui frappe la présidence de Trump). Mais la situation est-elle aujourd’hui identique à celle d’il y a trois ans ? Réponse d’un juriste libéral : « C’est aux électeurs de bloquer Trump. Les mots magiques du passé ne nous sauveront pas ». Protestation d’un élu républicain du New Hampshire : « Empêcher les gens de voter pour qui ils veulent voter est un argument de type république bananière soviétique ».
Est-il démocratique de « court-circuiter les urnes » ? Le procès en impeachment de 2021 n’est-il pas suffisant ? N’a-t-il pas répondu aux exigences de la Constitution et faut-il en revenir au 14ème amendement qui, au surplus, ne mentionne pas la fonction présidentielle ?
C’est à la Cour suprême des États-Unis de trancher. Pour le moment, les juges ne sont pas pressés de prendre position. Pendant ce temps, les primaires se dérouleront comme prévu – et dans le Colorado, un État à majorité démocrate, la candidature de Trump restera le choix de la minorité républicaine. Dans les autres États, le débat ne bouleversera pas la vie politique.
À moins que dans cette Amérique profondément fracturée, il ne renforce le soutien des républicains en faveur d’un candidat qui fait peur à l’autre camp. En un mot, le Colorado et les États qui pourraient l’imiter contribueront, peut-être, à servir les ambitions de Donald Trump et à préparer sa victoire. ■ par André Kaspi

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