Culture

« Je me sens juif à 1000%, tout le temps, y compris lorsque tout va bien »

RENCONTRE
Avec une centaine de films, téléfilms et séries à son actif, une trentaine de pièces de théâtre, dont la dernière Une situation délicate encore en tournée, une discographie composée de trois albums, plusieurs livres écrits et des apparitions très remarquées dans le programme d’Amazon Prime, LOL : qui rit sort, Gérard Darmon, 75 ans ce 29 février, est un artiste complet et un homme qui n’a pas la langue dans sa poche. 7 octobre, judaïsme, féminisme, wokisme, projets… l’homme aux multiples talents, qui sera à Tel Aviv le 3 mars pour une master class, s’est confié à Actualité Juive.

J’aurais pu commencer simplement en vous demandant comment vous allez, mais est-ce que ça vous embête si je vous demande comment vous allez depuis le 7 octobre ?


Gérard Darmon : (Il réfléchit et hésite un moment) Je vais bien… Je vous ai dit, je vais bien parce
que je suis quelqu’un d’optimiste. Je comprends évidemment votre question, mais je ne veux pas
entrer dans le détail…

On a vu, depuis le 7 octobre, des liens se resserrer au sein de la communauté juive dans le monde. Est-ce que vous vous sentez encore «plus juif » depuis cette tragédie ?

G.D. : Je me sens juif à 1000%, tout le temps, y compris lorsque le soleil brille et que tout va bien. Forcément, je me sens plus alerté lorsqu’il arrive une tragédie comme celle du 7 octobre, ou celle qui a touché Sarah Halimi ou Mireille Knoll, ou Ilan Halimi dont on a commémoré les 18 années de sa disparition il y a peu, mais ce n’est pas l’antisémitisme qui réveille en moi ma judéité. Évidemment, on se doit d’être plus ou moins vigilant, de ne pas se laisser endormir lorsqu’on a l’impression que tout va mieux.

Pour vous, notre pays, la France, n’est pas antisémite ?


G.D. : J’ai souvent répété que je ne vivais pas dans un pays antisémite. Il y a évidemment des antisémites
en France, mais je ne sens pas notre pays plus antisémite que les autres pays. En fait, le discours est un peu tronqué car si on place à côté les chiffres de l’antisémitisme et par exemple le classement des personnalités préférées des Français où on retrouve trois personnes sur cinq qui sont juives, ça me fait dire qu’il y a une sorte de paradoxe dans notre pays.


On a vu certains artistes monter au créneau pour défendre les Juifs et Israël, et d’autres aux abonnés
absents ? Vous en pensez quoi ?


G.D. : Je pense qu’il faut respecter les gens. Vous évoquez très certainement Gad Elmaleh par exemple, mais je pense qu’il compte pour la communauté, qu’il fait des choses mais peut-être plus en silence ou en catimini que certains… Il est aussi dans une « crise mystique », mais je respecte ça infiniment. Ça ne
signifie pas qu’il n’aime plus les Juifs ou qu’il nous tourne le dos, c’est grotesque. Par contre, je vais peut-être vous étonner, mais je serais plus sévère avec ceux qui sont plus opportunistes et qui profitent des plateaux télé pour s’infiltrer et parler de leur actu. À titre personnel par exemple, je n’ai rien à prouver à qui que ce soit. La communauté sait très bien qui je suis, ce que je fais ou j’essaie de faire parfois dans l’ombre et parfois de façon plus éclairée. Quand il faut mettre le drapeau israélien sur mon Instagram, me prendre des insultes ou une avalanche de drapeaux palestiniens, aller en Israël, parler aux familles des otages, entre autres, je le fais.


Vous « critiquez » ceux qui sont allés sur les plateaux télé parler d’Israël avec un peu « d’opportunisme »,mais vous-même, on vous a entendu durant certaines émissions dire ce que vous pensiez à Edwy Plenel ou dénoncer l’antisémitisme de Jean-Luc Godard.


G.D. : Il est évident que si vous me parlez de Godard, je vais réagir au quart de tour parce que je n’ai pas envie de faire l’apologie de ce cinéaste qui était antisémite. D’ailleurs, beaucoup étaient étonnés et l’ont appris à ce moment-là. Quant à Plenel, il est pour moi une quantité négligeable. En réalité, je ne sais pas si c’est parce que je prends de l’âge, mais tous ces gens-là ne m’intéressent pas du tout. J’ai un vrai recul sur toutes ces fausses polémiques qui nous bouffent le sang.


Vous parlez de votre âge et du recul que vous avez aujourd’hui, mais comment vous réagissez à cette
tendance woke dans laquelle nous vivons depuis de nombreuses années? En 2021, par exemple, vous aviez publié une photo sur votre compte Instagram où vous apparaissiez grimé en Noir, maquillé en Othello, un personnage de Shakespeare que vous deviez interpréter. À la suite de ça, vous avez été traité de raciste.


G.D. : Pour être honnête, ça me rend dingue. Qu’est-ce que c’est que ces couloirs de bienpensance ? C’est terrible, c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire avec moi. Si je me sens muselé ou étriqué, c’est là où je peux péter les plombs.


Dans la lignée de ce que nous venons d’évoquer, vous avez signé la pétition en soutien à Gérard Depardieu en expliquant qu’il n’était pas votre ami mais que vous défendiez la présomption d’innocence. Était-ce également une façon de vous opposer à ces féministes qui sont à l’affût lorsqu’il s’agit d’une personne médiatique et qu’on n’a pas entendu concernant les horreurs vécues par les femmes israéliennes et juives le 7 octobre ou celles qui sont toujours entre les mains des terroristes du
Hamas ?


G.D. : À l’origine, j’ai reçu un mail qu’il fallait signer pour le lendemain. Je l’ai lu un peu en oblique et j’ai vu, entre autres, qu’il y était question de présomption d’innocence, de bashing etc. J’ai vu le nom des signataires et j’ai dit à la personne que je ne connais pas et qui m’a envoyé le texte «allez-y, vous pouvez mettre mon nom ». Ensuite, je lis d’un peu plus près et je découvre un texte d’une grandiloquence, pompeux, mal écrit et je me rends compte que le « type » est proche des idées d’extrême droite, alors je me rétracte. D’autant que mon combat, ce n’était pas Depardieu, qui n’est effectivement pas mon ami, c’était la présomption d’innocence et le bashing que je déteste par-dessus tout. Maintenant, pour parler du combat à géométrie variable des féministes qui ont mis de côté les femmes israéliennes, elles sont en train de tisser la corde avec laquelle elles vont se pendre. Pas un mot de leur part non plus sur les femmes iraniennes qui ont été les héroïnes de l’année qui vient de s’écouler.
Je préfère parler des femmes israéliennes ou iraniennes et pas de ces femmes qui vont jeter de la soupe sur la Joconde !


Vous avez un humour que certains qualifient de génial et dans génial, il y a le mot génie ; on l’a vu par
exemple avec les deux défilés des animaux dans l’émission LOL : qui rit, sort sur Amazon Prime. Est-ce que ça vous a déjà démangé de faire un spectacle en solo plus communément appelé un one man show ?

G.D. : Mais figurez-vous qu’il est écrit, il attend depuis deux ans dans un tiroir. C’est d’ailleurs plus un seul en scène qu’un one man show, je préfère. Le seul problème, qui n’en est pas un en réalité, c’est que je tourne beaucoup, j’ai tourné quatre fi lms l’année dernière, j’ai également été en tournée, avec une pièce qui s’intitule Une situation délicate, avec Max Boublil, Clotilde Coureau et Élodie Navarre, qui a rencontré un énorme succès… Donc, je n’ai pas vraiment eu le temps, mais ça ne saurait tarder.


Lors du 2ème défilé des animaux (Lol : qui rit, sort sur Amazon Prime) vous nous avez appris la disparition tragique de Clarisse qui nous vient d’Angoulême (Ndr : un sanglier en peluche qui défilait avec un attachécase). Êtes-vous resté en contact avec les membres de sa famille et ses proches ?


G.D. : (Rires) … C’est fou ce que ce défi lé d’animaux a marqué les gens. Tout le monde m’en parle. Pour
moi, ça n’a été que du bonheur de faire ça, même si je trouve le premier bien meilleur que le second qui a été fait plus rapidement. J’ai fait le deuxième pour répondre à une grande demande, mais je ne regrette pas, c’était amusant aussi. Mais je suis vraiment effaré des réactions. J’ai même un nouveau public avec les 12-18 ans, même s’ils ont été aussi avant ça spectateurs de la série Family Business ou Le Flambeau… Parfois les planètes s’alignent bizarrement. Propos recueillis par Laurent Cohen-Coudar

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