Monde

Arménie-Azerbaïdjan, l’escalade

États-Unis, Russie, Europe, Israël : comment ils suivent la nouvelle crise entre Erevan et Bakou.

Les derniers incidents dans le Caucase ont fait plus de 200 morts en quelques jours.

Après Taïwan, Erevan. La présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, la démocrate Nancy Pelosi, était en Arménie le week-end dernier, quelques jours après la reprise des combats frontaliers entre les armées arménienne et azerbaïdjanaise. Des affrontements qui constituent, avec plus de deux cents morts, la plus grave crise dans la zone depuis la guerre de 2020. Au centre de leurs rivalités géopolitiques: le contrôle du Haut-Karabakh, région peuplée principalement d’Arméniens, que les deux capitales se disputent depuis trois décennies. Deux jours après l’entrée d’un cessez-le-feu grâce à une médiation américaine, le déplacement de Nancy Pelosi se veut le « symbole puissant de l’engagement ferme des États-Unis envers une Arménie pacifique, prospère et démocratique, et une région du Caucase stable et sûre », selon un communiqué de l’élue démocrate, la plus haute responsable américaine à se rendre dans le pays depuis son indépendance en 1991. « L’Arménie a une importance particulière pour nous en raison de l’accent qui a été mis sur l’aspect sécuritaire après les attaques illégales et meurtrières de l’Azerbaïdjan sur le territoire arménien », a ajouté Mme Pelosi, le 18 décembre, dans une claire mise en accusation des attaques « illégales » de Bakou. Des déclarations « non fondées et injustes », ont réagi les autorités azerbaïdjanaise s.Cette nouvelle vague de violence inquiète de nombreuses capitales dans le monde. La Russie notamment. Après un échange avec le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, Moscou a annoncé être parvenu à négocier un cessez-le-feu entre les deux parties, se disant « extrêmement préoccupé par la nette dégradation de la situation ». Un rôle traditionnel pour les Russes, déjà à l’origine de l’accord de cessez-le-feu de novembre 2020, après une guerre s’étant soldée par plus de 6500 morts. La demande d’activation de l’article 4 de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) par les autorités arméniennes place néanmoins Moscou dans l’embarras. Équivalent de l’article 5 de l’Alliance atlantique, la clause 4 oblige a priori ses signataires à soutenir ses partenaires face à une agression. Sauf que la Russie, déjà embourbée en Ukraine, a actuellement d’autres priorités que d’envoyer des troupes pour faire reculer des forces azerbaïdjanaises soutenues par la Turquie. Ouvrir un nouveau front avec Ankara n’intéresse en aucune manière la diplomatie russe qui s’est aussi activée en coulisses pour restaurer le calme garanti par ses 2000 soldats déployés sur place.
L’Europe observe également de près l’évolution de la situation. La veille de la reprise des affrontements, Bakou annonçait que ses exportations de gaz vers l’Union européenne augmenteraient en 2022 de 31%, s’établissant en fin d’année à 12 milliards de mètres cubes. Une envolée résultant de la stratégie européenne de diversification de ses fournisseurs pour mettre un terme à la dépendance au gaz russe. Cette orientation était au cœur du déplacement, en juillet dernier, à Bakou de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. L’Azerbaïdjan pourrait à terme doubler ses ventes de gaz vers le continent européen. Un partenariat énergétique qui irrite, notamment en France: plusieurs dizaines d’élus de couleur politique diverse (Clémentine Autain, Julien Bayou, François-Xavier Bellamy, Yannick Jadot, Bruno Retailleau…) ont condamné un accord qui selon eux « renforce le régime dictatorial d’Ilham Aliyev ».Reste Israël. Premier fournisseur militaire de Bakou avec plus de 740 millions de dollars de vente d’armes entre 2015 et 2020 selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (17% des exportations israéliennes totales), la diplomatie israélienne penche plutôt vers Bakou, dont le territoire servirait par ailleurs aux renseignements de l’État hébreu contre l’Iran voisin. Aux termes de l’accord de 1,6 milliard de dollars conclu entre l’Azerbaïdjan et Israel Aerospace Industries, les forces azéries disposent de vedettes d’attaque rapide Shaldag, de roquettes de type LAR-160, de systèmes de missiles antitanks guidés, et de toute la panoplie de drones de l’industrie israélienne (drones d’observation Aerostar et Searcher, drones tactiques Heron et Hermes-450), comme le détaille une note de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques. En 2020, Bakou a également profité des relevés cartographiques digitaux proposés par Elta Systems, un avantage considérable pour pilonner les forces arméniennes dans le Haut-Karabakh.Si quelques rares appels à cesser ces ventes ou plus récemment à se proposer comme médiateur ont paru dans la presse locale, Jérusalem maintient pour l’heure le silence, considérant la « carte Bakou » comme stratégique dans son jeu d’alliances autour de l’Iran. La realpolitik a ses raisons… Steve Nadjar

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