Israel

Tikoun olam ? Tikoun Israël d’abord !

De tous temps, l’étude a été une valeur fondamentale du judaïsme, et le Talmud conserve le souvenir de Yehoshua ben Gamla qui institua au 1er siècle, en Judée, l’école obligatoire à partir de six ans. Nos Sages ont eu l’intelligence de poursuivre cette politique en exigeant que toute communauté ouvre en priorité une école et engage un enseignant avant même de construire une synagogue. Pendant des siècles, les juifs ont ainsi eu un avantage sur les populations environnantes, étant les seuls à apprendre à lire et à écrire à leurs enfants. Depuis lors, l’émancipation a fait sortir les juifs du ghetto, mais elle a aussi engendré des projets identitaires contradictoires. Avec Israël, le sionisme a réhabilité et rendu son autonomie au peuple juif, mais il a aussi créé un peuple israélien : l’État juif est aujourd’hui à la fois le foyer mondial du peuple juif et l’État de ceux qui y sont nés, et doit maintenir un équilibre délicat entre engagement juif et normalité démocratique pour que les Israéliens laïcs continuent à se sentir chez eux et partagent une identité commune.
À l’autre extrême, la communauté ‘haredi (ultra-orthodoxe) n’a pas encore accepté un modèle de vie juive différent de celui des ghettos d’avant la Shoah, son idéal restant un État théocratique qui impose la loi religieuse à tout citoyen. Et peu importe que l’État juif ait trouvé sa place parmi les nations démocratiques… Or toute tentative de saper l’identité fondamentale d’Israël en tant qu’État laïc et démocratique ne peut déboucher que sur une rupture sociale dont nous avons actuellement un bel échantillon.
La plus grande menace qui pèse sur le peuple juif est donc comme toujours la scission, le fanatisme des uns nourrissant la haine gratuite des autres : schisme entre les royaumes d’Israël et de Juda, destruction de Jérusalem parce que les Zélotes avaient provoqué une guerre perdue d’avance contre Rome puis brûlé les greniers de la ville assiégée, conflits entre combattants du ghetto de Varsovie…
À la source de tout, il y a l’éducation. Il y a en Israël quatre réseaux scolaires entre lesquels les parents ont libre choix : écoles d’État (mamla’hti), écoles religieuses d’État (mamla’hti dati), réseau indépendant orthodoxe Ma’ayan HaTorah, et écoles indépendantes privées (‘hinou’h moukar).
Des défaillances hélas dans l’enseignement de ces écoles, qu’elles soient publiques ou privées : les élèves des écoles non religieuses achèvent leur scolarité avec une ignorance du judaïsme et de ses valeurs, ce qui leur fait souvent chercher dans d’autres cultures la spiritualité qui leur manque. Inversement, dans les établissements ‘haredi, aucun enseignement profane (même pas de maths), aucune autre langue que le yiddish quotidien. De quoi créer une dépendance totale à l’environnement social.

Un espoir peut-être avec l’émergence du réseau Tali qui tente de proposer une alternative à la bipolarisation laïcs-religieux dès le plus jeune âge, par une approche équilibrée entre judaïsme traditionnel et société israélienne contemporaine…À la naissance d’Israël pourtant, ses dirigeants, athées en majorité, avaient depuis leur jeunesse une bonne connaissance du judaïsme (voir la bibliothèque de Ben Gourion). Il est triste de constater aujourd’hui à quel point les Israéliens sortis de l’enseignement public méconnaissent leur propre culture au lieu d’être fiers de ses apports à la civilisation. Cette ignorance nourrit leur animosité envers les ‘haredi qui leur gâchent la vie en les empêchant de se marier civilement ou de prendre des transports en commun le chabbat, et même envers les autres juifs religieux qu’ils mettent tous dans le même sac. Certains vont jusqu’à réclamer une solution à deux États : un État libéral d’Israël et un État théocratique de Judée…Israël est trop petit et le peuple juif trop réduit pour pouvoir se payer le luxe d’un nouveau schisme. Tirons les leçons du passé. C’est l’unité qui a assuré la réussite israélienne des 75 dernières années et, bien qu’imparfait, c’est le modèle actuel qui a préservé son existence. Alors, comme nous le suggère la Torah, choisissons la vie…

Sabine Roitman
Docteure en Sciences humaines Conseil en communication Ancienne directrice des relations extérieures du Crif

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