Culture

Michel Berger: L’inventeur de l’opéra-rock français

Michel Berger, c’est d’abord la figure particulière du père, le professeur Jean Hamburger?
Yves Bigot: Le professeur Hamburger est un éminent triple académicien, grand professeur de médecine, inventeur de la néphrologie et de nombreuses techniques de réanimation. C’est une figure maternelle très forte, dominante. Il est issu d’une famille juive néerlandaise qui s’est convertie au protestantisme avant ou pendant la guerre.
Victime d’une pneumonie, il est opéré mais suite à une erreur médicale, il se réveille pendant l’opération. Alors qu’il paraissait condamné, il dirige l’opération lui-même depuis la table d’opération.
Le plus étonnant ensuite est que quand sa femme et ses 3 enfants viennent le voir, il ne les reconnaît plus, ou fait semblant. Il est d’une brutalité incroyable et les fait sortir
de la chambre. Il ne communiquera plus jamais avec sa famille et ses enfants qu’il ira jusqu’à déshériter. Sa femme lui écrit chaque semaine tous les lundis pour lui donner des nouvelles, il ne répond jamais. Après sa mort, on retrouve une valise dans l’appartement avec toutes les lettres ouvertes restées sans réponse. Cet abandon est traumatisant pour Michel qui ne s’en remettra jamais réellement. Elle marquera sa vie et son œuvre. Son père avait honte que son fils soit dans le showbiz. Michel détestait qu’on lui rappelle qui était son père. Ils meurent tous deux en 1992.

Quelle était la relation de Michel Berger au judaïsme?
YB: Il n’en parlait pas du tout. Sa famille était devenue protestante, à cause de la guerre. Un de ses amis, Marc Kraftchik, m’a indiqué que vers la fin de sa vie, Michel l’interrogeait sur la religion. La question était pour lui: c’est quoi être juif? Elle est arrivée tard dans sa vie. Ce qui est sûr, c’est que Michel avait une spiritualité forte comme dans ses chansons. Michel Berger appartenait à la génération d’après-guerre,
celle qui s’est éloignée des religions et qui plaçait son espoir ailleurs. Politiquement, il était proche du PS, il s’intéressait à la musique et à la société. Il faisait preuve d’une grande foi politique plus que religieuse, ses élans humanistes le portaient à croire que, par la musique, il pouvait changer le monde.

Quel est le rôle de sa grand-mère dans son initiation à la musique?
YB: Je pense que c’est elle qui lui a donné l’amour de la musique et surtout du piano. Elle jouait avec lui. Il semble avoir eu une relation plus chaleureuse avec elle qu’avec sa mère, qui avait sa carrière et qui était souvent en tournée Il est plus difficile pour une concertiste d’apprendre à un débutant. Il a baigné dans la musique depuis l’enfance. Chez lui, il y avait deux pianos en face l’un de l’autre, ils jouaient à quatre mains avec sa sœur.

Considérez-vous qu’il existe un style Berger?
YB: Il existe en réalité un style Berger-Sanson, ils l’ont inventé ensemble, mais n’ont jamais écrit ensemble. Ils ont inventé un style qui porte encore la chanson française. Ils ont créé un balancement rythmique inconnu à l’époque. La chanson française a changé avec eux; ce phrasé si particulier, les mots sur la note, ils se sont inspirés de la musique américaine, et ils ont révolutionné la variété française: ces paroles directes, décorrélées de la chanson poétique française encore en vogue dans les années 60-70. Les paroles avaient un côté philosophique, Michel avait fait des études de philo, elle sont faites pour être chantées, jamais pour être lues.

Est-ce que cette nouvelle approche musicale à fait son succès tardif? Son succès à d’abord été celui des autres?
YB: Comme d’autres, il a un succès à l’époque yéyé, il est une petite vedette de Salut les Copains. Il était très jeune, il le disait lui-même: «tout le monde avait du succès à ce moment-là». Ensuite, il a du succès surtout pour les chansons qu’il écrit pour les vedettes de l’époque: Françoise Hardy, Johnny Halliday, et bien sûr France Gall. Il fait un voyage aux États-Unis et rencontre, à New York, les gens qui comptent dans le rock. Il se rend compte qu’il n’a pas la puissance vocale et qu’il a le timbre trop mince pour être une vedette. Il ne sera pas Mick Jagger. Le showbiz lui semble fermé en France. Il doit attendre la fin des années 70 pour commencer à avoir du succès. Il a dû sortir des sentiers battus. Il a écrit notamment Jesus pour Jeremy Faith. Même quand il vendait beaucoup d’albums, France Gall, son épouse pour qui il écrivait, en vendait beaucoup plus.

Que reste t-il de Michel Berger 30 ans aprés sa mort?
YB: Il reste d’abord toutes ses chansons, celles qu’il a chantées, celles qu’il a écrites: le chanteur abandonné et Tennessee de Johnny, c’est lui par exemple. Également
son style unique qui sous-tend la chanson française et un répertoire extraordinaire. Ainsi, Goldman est un de ses héritiers, malgré des styles différents, l’un au piano, l’autre à la guitare. Ils ont pris le même chemin en écrivant pour les autres. Il reste bien sûr Starmania, qui est à Paris depuis la rentrée 2022 et qui reste indépassable et indétrônable; Michel est peut-être l’inventeur de l’opéra-rock français, Raphael, son fils, car sa fille Pauline est morte jeune, gère le patrimoine musical colossal de France Gall et Michel Berger. On pourrait presque dire que c’est le patrimoine de la France! Raphaël est derrière
le projet Starmania actuel. Bien que mort jeune, nous devons beaucoup à Michel Berger. Ilan Levy

Supplément du journal

Petites annonces

Votre annonce ici ? Ajouter mon annonce

Publicités

Bouton retour en haut de la page

Vous ne pouvez pas copier le contenu de cette page