Monde

Les Lions de l’Atlas, porte-drapeaux des Palestiniens

Demi-finaliste de la Coupe du monde face à la France, la surprenante équipe marocaine affiche pendant le tournoi son soutien à la cause palestinienne.

Le sport, une matière géopolitique ? 6 décembre 2022, les Lions de l’Atlas viennent d’entrer dans l’histoire du football africain en se qualifiant aux tirs au but , au détriment de l’Espagne, pour les quarts de finale de la première Coupe du monde organisée dans un État arabe. L’émotion est immense, sincère. Le milieu offensif du SCO d’Angers, Sofiane Boufal, dédie la victoire à « tous les peuples arabes, et tous les peuples musulmans du monde ». Les journalistes sur place confirment d’ailleurs l’incroyable engouement des supporters arabes, toutes nationalités confondues, pour la bande à Yassine Bounou, le spectaculaire gardien marocain. Aux dissensions qui rythment souvent les relations inter-étatiques, de Riyad à Doha, de Rabat à Alger, répond l’harmonie panarabe des populations. Des peuples qui expriment aussi, à travers leurs représentants sportifs, une autre ligne politique que leurs dirigeants. À peine mesurée la nature de l’exploit qu’ils viennent de signer, les joueurs marocains s’emparent d’un immense drapeau palestinien qu’ils font tanguer sous les vivats du public du stade Al-Rayyan. Comme face à la Belgique en phase de poule, des fans marocains avaient plus tôt choisi la 48e minute – référence à la guerre d’indépendance de 1948 – pour déployer une banderole « Libérez la Palestine ».
Le tout sans la moindre réaction des instances internationales de football (FIFA). Mais c’est l’image des joueurs sur la pelouse qui fait le tour du monde. « La Palestine est le vainqueur de cette Coupe du monde, assure dans un tweet très relayé Amro Ali, un professeur de sociologie à Casablanca et Berlin. Les régimes arabes peuvent poursuivre la normalisation [avec Israël, NDA], mais les peuples du monde arabe auront le dernier mot ». Le même présentera quelques jours tard la compétition au Qatar comme « un référendum sur la normalisation de façade ».
On connaissait l’attachement d’Achraf Hakimi à la cause palestinienne. Bien avant le parcours historique de la sélection marocaine, le leader des Lions de l’Atlas et piston droit du Paris Saint-Germain avait affiché sa solidarité avec Gaza, lors d’un énième round d’affrontements entre forces terroristes palestiniennes et l’armée israélienne. Son « Free Palestine », posté sur Twitter le 10 mai 2021, lui avait valu un accueil salé en Israël lors des deux dernières éditions du Trophée des champions organisées par la Ligue de football professionnel. Symbole de la popularité du défenseur de 24 ans dans la bande de Gaza, un peintre palestinien lui a récemment rendu hommage dans une toile le représentant avec sa maman, qui depuis a largement été commentée sur les réseaux. « La cause palestinienne est la seule à réunir les opinions publiques arabes. C’est une façon aussi pour les joueurs de gagner en popularité dans le monde arabe », analyse pour Actualité Juive le chercheur Younes Belfellah, directeur du Medfocus Think tank. Sans conteste, le Maroc s’est mué pendant cette Coupe du monde en représentant non officiel de la cause palestinienne dans un émirat où vivent à l’année 250 000 Palestiniens. Rien d’étonnant aussi de voir samedi que des supporters palestiniens exultaient devant la porte de Damas à Jérusalem, drapeau du Maroc à la main, après le nouvel exploit des Lions de l’Atlas face au Portugal de Cristiano Ronaldo en quarts de finale. « Lors de la dernière Coupe arabe, l’an dernier, au Qatar, remportée par l’Algérie, des supporters algériens avaient accusé le Maroc d’être sioniste », rappelle Younes Belfellah. Le renversement est total douze mois plus tard. La politisation revendiquée de la sélection marocaine aurait même pu s’étendre au Qatar à d’autres terrains. Selon Sky News, les joueurs de Walid Regragui ont sérieusement envisagé de faire porter à leur capitaine, Romain Saïss, pendant le tournoi un brassard « pas de place pour l’islamophobie », à l’instar des sélections saoudienne et qatarie. Doha est à l’origine de cette démarche aux airs de réplique à la volonté de plusieurs sélections européennes d’arborer un brassard « One Love » en soutien à la cause LGBT+, et finalement bloquée par la FIFA.
La cause palestinienne, elle, s’assume. Le hashtag « RaisePalestineFlag » (« Lever le drapeau de la Palestine ») connaît un succès non démenti sur les réseaux et à Doha même, il n’est pas rare de croiser keffiehs palestiniens et tee-shirts imprimés avec le visage de Shireen Abu Akhleh, la journaliste palestino-américaine tuée en mai dernier à Jénine, « par erreur » par l’armée israélienne, dans le cadre d’une opération antiterroriste. Salué par le Hezbollah, l’exploit sportif face au Portugal a ouvert les portes d’une demi-finale passionnante face à la France, s’inscrivant dans les annales marocaines aux côtés d’une autre date historique : il y a deux ans, un même 10 décembre, Rabat normalisait ses relations avec Jérusalem. Un réchauffement diplomatique aux multiples volets, mais auquel échappe, pour le moment, la sélection nationale et ses nouveaux héros pour une génération de Marocains.

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