Portrait

Jean-Jacques Zilbermann : Le cinéma comme ligne de vie

Il a racheté, avec des amis, le Cinéma Escurial, Paris 13ème, à l’âge de 24 ans, avant d’ouvrir le cinéma Max Linder. Le réalisateur aux cinq Molière, Jean-Jacques Zilbermann, se confie.

Très connu des amateurs de cinéma, notamment pour ses films Les fautes d’orthographe et À la vie, Jean-Jacques Zilbermann est né à Paris d’une famille très marquée par la Shoah. Tous deux originaires d’Odessa, « en passant par Thessalonique pour la famille de mon père et la Pologne pour ma mère », son père et sa mère sont déportés à Auschwitz depuis Paris et rentrent « extrêmement traumatisés. Ils se sont mariés après-guerre. J’imagine qu’ils ne pouvaient vivre qu’avec quelqu’un qui avait la même expérience ». Le jeune Jean-Jacques découvre son histoire à l’âge de 10 ans, dans un magazine du Parti communiste.

« Mon père n’en parlait jamais, ma mère, militante du PC, en parlait beaucoup. Je me sentais souvent très seul, j’avais l’impression d’être né à Auschwitz. J’en fais encore des rêves et des cauchemars. Plus je connais cette histoire, plus cela me terrifie. Comment des êtres humains ont-ils pu commettre cela ? Comment une telle usine de mort a-t-elle pu exister au cœur de l’Europe ? »

Jean-Jacques Zilbermann arrête rapidement l’école. « J’étais a-scolaire, je faisais beaucoup de théâtre et à l’âge de 17 ans, j’étais déjà trieur de nuit dans un train postal ». Passionné de cinéma, il ne sait pas comment entrer dans ce milieu. « Moi, le fils d’ouvrier qui ne connaissais personne, je décidais de faire un CAP de projectionniste et à 24 ans, de reprendre avec des amis le cinéma L’Escurial, Paris 13ème. Nous le revendrons plus tard pour construire le Max Linder des Grands Boulevards ». Il se lance ensuite dans l’écriture, puis la réalisation de films. « Ma mère a été ma muse, tous mes films parlent d’elle et de son histoire comme le film Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes avec Josiane Balasko. Ma mère, viscéralement communiste, croyait même qu’avec son avènement, les chagrins d’amour disparaîtraient ». En 2004, avec Les fautes d’orthographe, il retourne dans l’internat qui l’a tant terrifié enfant.

« C’était un endroit violent, nous y subissions des châtiments corporels dans les années 60, que les amis de ma mère avaient surnommé le petit camp de concentration, ce qui est quand même exagéré. Revenir sur les lieux de mon malheur a été pour moi une formidable résilience. Les gamins qui jouaient ont été extraordinaires, cela reste un magnifique souvenir. Les fautes d’orthographe parle aussi de la Shoah ».

Au théâtre, il rencontre un immense et mémorable succès avec La boutique au coin de la rue en 2001. « La pièce sort en septembre 2001, avant le 11 septembre. Nous avons cru que ce serait un échec et ce fut un immense succès qui dura plus de deux ans ». La pièce a obtenu cinq Molière. « J’ai reçu le Molière du metteur en scène, un grand souvenir pour quelqu’un comme moi dont c‘était la première expérience et qui ne venait pas du milieu ». Avec ses films L’homme est une femme comme les autres et La folle histoire d’amour de Simon Eskenazy, il évoque un sujet sensible : l’homosexualité et la religion.
Dans son dernier film À la vie, il parle à nouveau de sa mère. « Elle a un petit rôle dans le film. C’est l’histoire vraie de trois femmes qui se sont connues en déportation et qui sont restées vivantes car unies. Chaque année, elles se retrouvent pour des vacances. Elles sont restées solidaires jusqu’à leur mort ». Ce film rencontre son public, notamment dans la communauté juive.

« J’aurais été blessé si ce film n’avait pas plu. Il fut un beau succès, les gens sortaient en larmes et me remerciaient. Je suis un juif profondément laïc, très attaché à la culture yiddish, cette immense culture d’avant-guerre dont les nazis ont arraché le terreau. Il était difficile de la faire revivre, la musique d’Eric Slabiak dans le film y a beaucoup contribué. Cette reconnaissance communautaire m’a énormément touché ».
Avec le Covid, il s’est éloigné de Paris et s’est installé à Dieppe pour trouver d’autres inspirations.
« L’émergence des plateformes a fait perdre au cinéma son exclusivité. Les cinémas, notamment ceux d’art et d’essai, souffrent. Le cinéma doit se réinventer ».

Nul doute qu’avec son expérience, Jean-Jacques Zylbermann réfléchit à de nouveaux projets pour le plus grand plaisir des spectateurs. Des surprises s’annoncent.

Par Ilan Levy

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