Monde

Entre débat et hypocrisie

Soupçons de corruption, négation des droits de l’homme, désastre écologique… La prochaine Coupe du monde fait plus parler d’elle pour les nombreuses polémiques qu’elle suscite que pour son aspect sportif. Les appels au boycott se multiplient, pendant que d’autres dénoncent une certaine hypocrisie.

C’était il y a 12 ans, presque jour pour jour. Cinq pays étaient encore en lice pour l’organisation de la Coupe du monde 2022 : l’Australie, le Japon, le Qatar, la Corée du Sud et les États-Unis. Lorsque le Qatar fut officiellement désigné comme pays hôte, ce 2 décembre 2010, les premières voix commencèrent à s’élever. Dans un premier temps, c’est l’aspect sportif qui fut pointé du doigt avec comme thème récurrent : le Qatar n’est pas un pays de football, le choix de cette organisation a été dicté exclusivement par l’argent. D’autant plus, qu’à la période où se déroule traditionnellement cet événement (entre mi-juin et mi-juillet) les températures dans le petit État du Golfe peuvent atteindre les 55 degrés. Les instances du football ont donc tout simplement décidé de se soumettre aux desiderata du pays organisateur en déplaçant la compétition en novembre et décembre, obligeant les principaux acteurs à jouer tous les trois jours depuis fin août, avec les risques de blessure qui découlent de ce rythme infernal.

Une fois actée, cette refonte du calendrier, d’autres sujets ont très rapidement fait leur apparition et suscité de nombreuses polémiques : les conditions d’attribution et la corruption, le désastre écologique avec des stades climatisés à ciel ouvert et les conditions de travail des ouvriers provoquant la mort de plusieurs milliers d’entre eux. Ces derniers mois, la question à la mode dans les médias, sur les plateaux télé ou dans la sphère politique est : « Alors tu vas la regarder cette Coupe du monde au Qatar ? ». Le débat fait rage et les avis sont totalement partagés. Il y a ceux qui dissocient le sportif du politique comme l’ancien président François Hollande qui estime que ce n’est pas le rôle des téléspectateurs ni des joueurs de boycotter l’événement : « Je ne peux pas demander à des joueurs de ne pas aller disputer la compétition pour laquelle ils se préparent depuis des années […] Mais, les conditions de déroulement de cette compétition font que si j’étais encore le chef de l’État, je ne me rendrais pas au Qatar ». Certains ont d’ores et déjà tranché dans le vif en balayant l’événement d’un revers de la main. C’est le cas de l’ancien footballeur Éric Cantona, connu pour ses prises de position politiques, notamment pro palestiniennes, qui a affirmé qu’il ne regardera pas la Coupe du monde: « Le Qatar, ce n’est pas le pays du football. […] Ce n’est qu’une question d’argent et la façon dont ils ont traité les gens qui ont construit les stades est horrible ».


De très nombreuses villes françaises telles que Paris, Marseille, Bordeaux ou Strasbourg ont pris la décision de ne pas installer d’écrans géants ni d’organiser de fan zones pour des raisons éthiques et écologiques. Les pays étrangers ne sont pas en reste. En Allemagne, le site boycott-qatar.de réunit les signatures d’une centaine d’associations sportives et de milliers de supporters qui s’engagent à ne pas soutenir cette coupe du monde, en n’achetant aucun produit portant le logo du tournoi, ni de produits des sponsors et en s’interdisant de se rendre au Qatar ou de regarder les matchs. Le week-end dernier, dans de nombreux stades allemands, des banderoles ont été déployées appelant à tourner le dos à ce qui est pourtant le plus grand événement footballistique.


Mais finalement, est-ce que cet appel au boycott n’arrive pas trop tard ? Ne fallait-il pas mettre cette « pression » dès l’annonce de l’attribution.
À l’instar de l’acteur Roschdy Zem, nombreux ont dénoncé une certaine hypocrisie : « Il est trop tard pour boycotter une Coupe du monde attribuée il y a 12 ans, c’est à ce moment-là qu’il aurait fallu s’interroger sur la pertinence du choix du Qatar. Pourquoi prendre le spectateur en otage en lui disant de ne pas regarder ? On savait à qui on la donnait, on savait qu’il y aurait des stades avec l’air conditionné, on savait qu’on irait chercher de la main-d’œuvre au Pakistan, en Inde. On avait tous les éléments », a-t-il déploré dans l’émission C à Vous. Laurent Cohen-Coudar

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