Serge Klarsfeld « L’’analogie entrée la Shoah et la situation actuelle est évidente

ENTRETIEN

Pour l’avocat Serge Klarsfeld, président des Fils et filles des déportés juifs de France, les terroristes du
Hamas poursuivent le même projet d’éradiquer le peuple juif que les nazis en leur temps.

Qui se refuse à employer la sémantique et les mots propres à la Shoah, peut-il aujourd’hui les utiliser en pensant à la situation ?
Serge Klarsfeld : L’analogie entre ce qui s’est passé pendant la Shoah et la situation actuelle est évidente : des juifs ont été tués indistinctement parce qu’ils étaient juifs par un ennemi qui a juré sa perte. Tandis que le Hamas refuse l’existence de l’État d’Israël et la présence des juifs sur une terre qu’ils disent être la leur, les nazis considéraient que les juifs étaient nuisibles à l’espèce humaine et qu’il fallait les éradiquer dans la zone du Troisième Reich et ensuite, dans la zone qu’ils dominaient en Europe. Donc oui, ce sont deux ennemis impitoyables et la Solution finale de la question juive par les nazis ne s’est arrêtée que le jour où les dirigeants nazis ont été vaincus et que leur défaite militaire a été consacrée. Les vainqueurs ont, ensuite, rééduqué le peuple allemand et je crois qu’on assiste, ici, au même phénomène. La solution viendra par la défaite militaire du Hamas, par le jugement des dirigeants du Hamas qui ont commis ces crimes contre l’humanité et par la rééducation du peuple palestinien de Gaza qui, depuis des décennies,
a appris dans les manuels scolaires, dans leurs familles ou à la télévision et à la radio qu’il fallait tuer les juifs et détruire l’État d’Israël.
Quand vous parlez de rééducation, parlez-vous de re-civilisation ?
S.K. : Le peuple allemand a été rééduqué par des Allemands et par les occupants français, anglais et américains et il a compris, parce qu’il était un peuple éduqué, qu’il avait
été dévié par Hitler et par les nazis de façon perverse. Ce sera beaucoup plus difficile avec les habitants de Gaza qui sont beaucoup moins éduqués et qui ont, je crois, moins de possibilités que les Allemands de comprendre le drame qui vient de se passer.
Un avocat français, représentant une famille française, a déposé plainte contre le Hamas auprès du Parquet national antiterroriste. La qualification de« crimes contre l’humanité » est en cours d’examen. Il a également saisi la CPI. À quoi cette démarche peut-elle aboutir ?

S.K. : Un juge d’instruction ou une chambre d’accusation décideront s’il s’agit de « crimes de guerre » ou de « crimes contre l’humanité », mais je crois que cela ne fait aucun doute qu’elle puisse être jugée en tant que « crimes contre l’humanité ». Cela aurait pu être différent ailleurs, devant d’autres juridictions, mais pas devant une juridiction française. La France a suffisamment d’expérience en la matière. Elle a
jugé Klaus Barbie pour l’arrestation et l’envoi en déportation de 44 enfants. Rien que dans un des deux kibboutz, quarante enfants ont été massacrés parce qu’ils étaient juifs. C’est encore plus évident que le crime de Klaus Barbie. Propos recueillis par Yaël Scemama