Israel

Réforme judiciaire : un débat pour l’histoire

DÉMOCRATIE Les 15 juges de la Cour suprême israélienne étaient réunis le 12 septembre pour entendre les requêtes en invalidation de la loi qui limite leurs pouvoirs d’interprétation des décisions de l’exécutif. Retour sur une audience historique.

Plus de 250 000 Israéliens, partisans, adversaires ou seulement citoyens concernés par la réforme judiciaire, auront suivi au cours de la journée les débats sur les chaînes et les sites d’information. Même si seules quelques centaines de passionnés auront tenu jusqu’au bout des 13 heures d’audience, l’intérêt du public était au rendez-vous. Jamais probablement depuis l’indépendance, autant de questions sur la forme de la démocratie israélienne n’avaient été débattues en une seule enceinte. Presque une assemblée constituante, qui réunissait les représentants des trois pouvoirs qui échangeaient devant le peuple.

L’intégralité des quinze juges de la Haute Cour a entendu les huit requêtes déposées contre l’amendement à la loi fondamentale sur la Justice, votée en juillet dernier, par la Knesset et qui vient réduire les pouvoirs d’interprétation des tribunaux sur les décisions de l’exécutif. Les juges ne pourront plus invoquer le caractère hautement déraisonnable d’une décision comme motif à son invalidation. En tout cas, si la Cour suprême ne retoque pas le texte. Et si le débat a suscité autant d’intérêt et de passions, c’est que jusqu’à présent, la Cour s’est toujours abstenue de retoquer une loi fondamentale, qu’elle considère comme une des composantes de ce qui sert de Constitution à l’État d’Israël, avec la jurisprudence qui s’y rattache. Et le débat était d’autant plus complexe que la conseillère juridique du gouvernement elle-même avait émis des réserves sur la légalité du texte voté par le Parlement et soutenu par le gouvernement, qu’elle était donc dans l’impossibilité de représenter, puisqu’elle avait recommandé aux juges d’envisager son annulation. Ce qui a conduit l’exécutif à louer les services d’un avocat privé, tandis que le rapporteur de la réforme judiciaire, le député Sionisme religieux Simha Rothman plaidait en personne devant la Cour.
On a assisté à des échanges presque surréalistes, où l’élu du Parlement israélien se faisait le procureur des juges de la Haute Cour. « Les élites préservent d’abord leurs droits et leurs privilèges d’élite », a accusé Simha Rothman, qui suggère aux juges de se déclarer incompétents. « Ce n’est pas l’honneur des juges qui est en question, mais l’intérêt des citoyens », lui répond la juge Esther Hayut. La présidente de la Cour s’est encore inquiétée des implications de la réforme : « Qui veillera à ce que les décisions des ministres soient raisonnables ? La loi ne le précise pas. Il y a un droit, mais il n’y a pas de juges ». Esther Hayut qui cèdera son fauteuil le mois prochain a toutefois refusé de céder à l’amalgame plaidé par certains des requérants, qui voulaient faire du débat le procès de toute la réforme judiciaire. D’ailleurs, les juges ont laissé apparaître leurs divergences de vue, partagés entre libéralisme et conservatisme. Même la question de la valeur légale de la déclaration d’indépendance a été évoquée, soulignant encore la complexité du mécanisme constitutionnel d’Israël. Il faudra plusieurs semaines aux juges pour rendre leur arrêt. Dans un sens ou dans l’autre, il fera date. Pascale Zonszain

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