Edito

Raymond Aron, l’amour d’Israël

Il y a 40 ans, le 17 octobre exactement, disparaissait un des intellectuels majeurs du vingtième siècle, le philosophe et sociologue Raymond Aron.
Depuis lors, son œuvre n’a cessé de croître en importance ; ses disciples et ses épigones sont nombreux ; sa postérité, internationale. À juste titre, on se remémore son opposition résolue aux totalitarismes – nazi , puis soviétique – qui ont enténébré son époque.
Reste néanmoins, dans son œuvre féconde, un angle moins exploré, moins connu – un angle presque aveugle : son discret, mais tenace et constant, amour d’Israël. Il est né à l’aube du vingtième siècle, dans une famille de la moyenne bourgeoisie juive, originaire des Vosges.
Dans cet habitus ashkénaze profondément juif, bien que non observant, le franco-judaïsme, c’est-à-dire le républicanisme juif, était comme l’air que l’on respire. Gustave, le père franc-maçon, et Isidore-Fernand, le grand-père, étaient des adeptes de la IIIème République. Ils estimaient que les principes de 1789 parachevaient la vision des prophètes.
Ce substrat, très français, va imprégner les engagements de Raymond Aron. Ainsi, au tournant des années 1960, celui qui est devenu éditorialiste au Figaro, s’il ne considère pas le sionisme, c’est-à-dire le projet d’une alyah, comme une option personnelle, n’en qualifie pas moins la survenue d’Israël de «grand événement » pour «tous les Juifs » . Il ajoute : «À beaucoup d’égards, l’œuvre des Juifs en Israël fait honneur au peuple juif et à l’humanité ». Juin 1967. L’attaque concertée des armées arabes, qui encerclent sans coup férir le petit État juif, confronte nombre de Juifs français à l’imminence traumatisante de l’anéantissement d’Israël. Son ton se fait plus émotionnel : « Je n’ai jamais été sioniste », admet-il certes, avant d’ajouter aussitôt : « Mais je sais aussi, plus clairement qu’hier, que l’éventualité même de la destruction de l’État d’Israël (qu’accompagnerait le massacre d’une partie de sa population) me blesse jusqu’au fond de l’âme. ». Un an avant la guerre de Kippour, et alors qu’il reçoit le doctorat honoris causa de l’université hébraïque de Jérusalem, le célèbre professeur laisse éclater dans son discours des harmoniques de vibration affective, d’une sincérité absolue : « Français, j’avoue que, dans certaines circonstances, j’éprouve à l’égard d’Israël, de l’État juif, une dilection particulière… ». Cinq décennies ont passé. Et pourtant, le franco-judaïsme pro-israélien d’Aron est demeuré une ressource de sens pour nous. Alexis Lacroix

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