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Le choc économique, à l’ombre de la guerre

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le jeudi 24 juillet, l’Occident et Moscou s’affrontent à coups de sanctions économiques. La Russie étant un des plus gros producteurs et exportateurs au monde de nombreuses matières premières, énergie en tête, cela aura forcément un impact à court terme sur le portefeuille des Français.

Les Français qui utilisent régulièrement leur véhicule ont dû croire ces derniers jours que le responsable de leur station service avait pris une bonne dose de vodka avant l’affichage des tarifs. Un prix exorbitant, du jamais vu, qui n’est que la conséquence d’une tragédie qui se déroule en Ukraine.

La barre symbolique des deux euros a été franchie, très largement par endroit, et selon les experts ça ne va pas s’arrêter là. « Il est très probable que les prix à la pompe continuent d’augmenter », a déclaré Olivier Gantois, le président de l’Union française des industries pétrolières.
La Russie, à l’initiative de ce conflit, est le 2ème producteur et exportateur de pétrole au monde et évidemment, les répercussions ne se sont pas fait attendre. Le cours du baril Brent, référence de l’or noir en Europe, s’est envolé : il coûtait environ 110 dollars au soir du 14 mars, soit une augmentation de 47 % en trois mois. Une flambée qui se ressent pour les automobilistes. « Sur un plein, je dirais que ça fait bien une petite dizaine d’euros en plus », constate Élie, commercial et utilisateur quotidien de son véhicule qui a pris de plein fouet l’explosion des tarifs.

Lors de son allocution du mercredi 2 mars, Emmanuel Macron a pris les devants en préparant l’opinion publique sur le coût qu’aura la guerre en Ukraine sur notre société. : « Le renchérissement du prix du pétrole, du gaz et des matières premières a et aura des conséquences sur notre pou-voir d’achat : demain, le prix du plein d’essence, le montant de la facture de chauffage, le coût de certains produits risquent de s’alourdir encore ». Deux semaines plus tard, les propos du président se sont vérifiés et les prix ont continué de grimper inexorablement. En sus du pétrole, le chef de l’État a également évoqué le gaz car la Russie, 1er fournisseur au monde, représente à elle seule 20 % de la production mondiale de gaz naturel. Plus de 94% de la production en Russie est contrôlée par Gazprom qui appartient au gouvernement russe.

En France, par exemple, Engie achète 20 % de son gaz à la Russie, tandis que Total Energies y trouve 40 % de ses réserves. Pour le reste de l’Europe, les alternatives ne sont pas légion. La Norvège, deuxième fournisseur de gaz à l’Union européenne derrière la Russie, « produit déjà à plein régime et ne peut augmenter ses livraisons », a répété ces derniers jours son premier ministre Jonas Gahr Støre.

Malgré tout, dans l’immédiat, l’impact sur la facture des ménages français devrait être nul, et ce, grâce au bouclier tarifaire mis en place par le gouverne-ment afin de limiter les prix du gaz, jusqu’au 30 juin 2022.
« Quels que soient les prix du gaz dans les semaines à venir, nous garantirons le gel des prix du gaz pour les particuliers durant l’année 2022 », a affirmé le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, au micro de BFM TV.
En 2023, en revanche, si la crise en Ukraine s’aggrave, il y a fort à parier que le prix du gaz reparte fortement à la hausse. De son côté, Emmanuel Macron qui anticipe un nouveau plan de résilience pour aider les entreprises françaises a déclaré : « Nous ne voulons plus dépendre du gaz russe pour faire fonctionner nos usines ». Hormis le marché de l’énergie, une augmentation des prix des matières premières est à prévoir dans les mois à venir.

La mer d’Azov et, à un degré moindre, la mer Noire, théâtres de féroces combats, sont toujours interdites à la navigation et, par voie de conséquence, les ports ukrainiens ainsi que plusieurs routes stratégiques sont bloqués. Les marchés agricoles, notamment de maïs et de blé, indispensables pour de nombreux produits alimentaires comme le pain, sont très perturbés et leur prix a augmenté de manière substantielle. La France et l’Europe dans son ensemble font face à une situation quasiment inédite. L’Italie et l’Espagne par exemple n’ont plus qu’environ un mois de maïs en stock, ce qui ne représente quasiment rien. La Russie étant le premier exportateur mondial de blé et l’Ukraine le cinquième (quatrième concernant le maïs), cela aura à terme une incidence sur le coût du chariot dans les supermarchés pour les ménages, d’autant que les négociations entre industriels de l’alimentaire et distri-buteurs, conclues fin février, ont déjà abouti à une hausse moyenne de 3 % des prix dans les rayons. Évidemment, toutes ces considérations économiques ont été prévues par Vladimir Poutine dans sa stratégie de guerre et de bras de fer avec les pays occidentaux.


Depuis les sanctions de 2014, qui ont fait suite à l’annexion de la Crimée, le chef du Kremlin a désendetté la Russie et accumulé des réserves de change. Le pays peut vivre de façon quasi auto-nome de longs mois, puisqu’il dépend de moins en moins de l’Occident.
Le chantage et les sanctions économiques sont un véritable instrument de guerre, comme on l’a vu avec l’exclusion de la Russie du réseau interbancaire Swift qualifiée d’arme nucléaire financière.
Au tout début des années 1990, l’auteur Edward Luttwak annonçait l’avènement d’un nouvel ordre in-ternational où l’arme économique remplacerait l’arme militaire comme instrument au service des États. « Les menaces militaires et les alliances ont perdu leur importance avec la pacification des échanges internationaux, déclarait-il alors dans son ouvrage The Endangered American Dream. À partir de là, les priorités économiques passent au premier plan. À l’avenir, ajoute-t-il, c’est peut-être la crainte des conséquences économiques qui régulera les contentieux commerciaux, et sûrement plus les interventions politiques motivées par de puissantes raisons stratégiques. Cette menace sera désormais économique ou, plus exactement, géo-économique ».

Laurent Cohen-Couda

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