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Eliahu Yusian : « Israël n’a pas compris la langue de notre ennemi »

ENTRETIEN

Eliahu Yusian, membre de l’unité 8200, lauréat du prix de sécurité d’Israël, spécialiste de l’Iran et du Moyen-Orient, partage son expertise avec les lecteurs d’Actualité Juive.

Peut-on dire que l’Iran est devenu un acteur dans le conflit israélo-palestinien ?
Eliahu Yusian : On ne peut pas le nier, en coulisses, mais la question est de savoir à quel point il peut s’impliquer. Cela dépend du leadership israélien. En Israël, nous avons besoin de leaders, pas de politiciens. Il y a des moments où des décisions cruciales doivent être prises. Et ces moments sont décisifs.

C’est ce manque de leadership qui, selon vous, a conduit, entre autres, au massacre du 7 octobre ?
E.Y. : Dès lors que l’État d’Israël pense pouvoir acheter le calme face à des terroristes, cela devient un problème. Nous leur avons donné cinq kilomètres d’espace, plusieurs kilomètres de zone de pêche, de l’argent qatari, du travail, le Gush Katif, et fi nalement rien n’a aidé. Seul un vrai leadership peut comprendre la réalité, prendre ses responsabilités et agir en conséquence.
Quelle a été l’influence de l’Iran le 7 octobre ?
E.Y. : Les terroristes arrêtés ont reconnu que 1 000 Palestiniens se sont entraînés sur le sol iranien depuis plus d’un an.
Mais le Hamas fait partie de l’axe de résistance, dirigé par l’Iran qui rassemble plusieurs milices armées engagées dans la défense de la cause palestinienne contre Israël, y compris militairement si nécessaire. Par exemple, le Hezbollah au Liban ou Hachd al-Chaabi en Irak. N’oublions pas que la cause palestinienne est au centre de l’idéologie de la République islamique iranienne.
Quel est le pouvoir de cet axe ?
E.Y. : Chaque milice a son propre rôle et constitue une menace à part entière pour Israël et pour la région sur plusieurs plans – sécurité, militaire, économique, et même sur le plan diplomatique. Par exemple, les houthis au Yémen influent sur l’économie mondiale, menacent la mer Rouge et le transport maritime.
Quelle est l’intention de l’Iran ?
E.Y. : Avoir le plus d’influence possible au Moyen-Orient. Plus il a de milices, plus il renforce son influence.
Comment l’Occident peut-il faire face à cet axe ?
E.Y. : La question est de savoir si l’Occident souhaite s’y confronter. L’Occident n’en a aucunement la volonté et n’a même pas conscience de ce qui se passe dans son propre pays, par exemple la présence arabe en France. L’Occident s’est endormi.
La ministre des Affaires étrangères française a cependant discuté avec son homologue iranien et lui a demandé d’arrêter les actions déstabilisatrices. La France pourrait-elle jouer un rôle, notamment grâce à ses liens historiques avec le Liban ?
E.Y. : Si le Hezbollah entrait en guerre, cela mettrait en danger le Liban. La France pourrait éventuellement éviter la guerre dans le nord, mais elle ne peut pas s’occuper du Hezbollah et résoudre le problème israélien.
Le Hezbollah dit ne pas avoir l’intention d’entrer en guerre contre Israël, comment alors interpréter ses tirs sur le front nord ?
E.Y. : Ce sont uniquement des tirs de solidarité avec les musulmans de Gaza.
Face à l’agressivité de l’Iran, combien de temps Israël saura-t-il être patient ?
E.Y. : Attaquer l’Iran n’est pas un problème exclusivement israélien, mais celui de l’ensemble du monde occidental, car il menace l’économie mondiale, l’énergie mondiale, voire le transport maritime.
La voie diplomatique pour parvenir à un accord est-elle encore envisageable ?
E.Y. : Non, cet accord n’a aucun intérêt et n’est en rien pertinent. Je pense que seule une intervention militaire peut empêcher l’Iran de parvenir à la bombe.
Pensez-vous que l’Iran profi te de la situation actuelle pour augmenter le rythme d’enrichissement de son uranium ?
E.Y. : C’est très plausible. Si l’Iran devient nucléaire, là non plus ce n’est pas un problème exclusivement israélien. L’Arabie saoudite devra alors aussi le devenir, tout comme l’Égypte. Le monde entier doit réfléchir, s’il veut un Moyen-Orient nucléaire ou non. Et agir.
Quand pourra-t-on dire que la guerre est terminée et qu’Israël l’a gagnée ?
E.Y. : Si l’État d’Israël veut gagner, il faut annexer le nord de la bande de Gaza et y établir une présence juive. Tout comme en Judée-Samarie.
Il faut comprendre qu’au Moyen-Orient, la terre a de la valeur, il ne faut donc pas agir à la manière occidentale, mais orientale. Ne pas manger des sushis sur une terre de houmous. Seul le renforcement de la présence juive peut apporter la sécurité.
Est-ce une solution qu’Israël peut envisager ?
E.Y. : Oui, si nous avons des leaders qui peuvent avoir une vision idéologique et pas uniquement politique, qu’ils soient de droite ou de gauche.
Et les otages ?
E.Y. : Là aussi, Israël n’a pas compris la langue de notre ennemi. Il ne fallait pas débattre des otages publiquement, dans les médias, car notre ennemi sait exploiter les émotions et les faiblesses des Israéliens. Yahya Sinwar n’est pas du Hamas. Sinwar est israélien, il a fréquenté les Israéliens pendant ses années de prison, parle l’hébreu et a une connaissance très large d’Israël. À chaque fois, il réalise une vidéo de quelques minutes avec trois ou quatre otages afi n de manipuler les émotions des Israéliens. Il fallait établir une censure totale et tenter de parvenir à un accord de libération derrière les portes fermées du cabinet de guerre. ■

Propos recueillis par Nathalie Sosna-Ofir

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