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Dans les coulisses des clubs de Pessa’h

ENQUÊTE L’offre de séjours repart de plus belle cette année. À la veille des fêtes, Actualité Juive a voulu en savoir plus sur ce marché en pleine expansion et parfois livré à certaines dérives.

Il y a les inconditionnels des séjours de Pessa’h qui n’ont qu’une chose en tête : mettre les pieds sous la table. Il y a ceux qui veulent voir « au moins » une fois à quoi cela ressemble. Il y a aussi des réfractaires, pour qui Pessa’h rime avec tradition, famille et maison. Enfin il y a ceux qui ne peuvent pas s’y rendre pour des raisons financières.
Selon certaines sources, sur les 400 000 membres que compte la communauté juive en France, entre 5 à 10 % séjournent à Pessa’h dans des clubs organisés. Plongée dans ce marché de niche où se mêlent des professionnels de la première heure et, comme chaque année, des nouveaux arrivants sans aucune expérience. Pour le millésime 2023, l’offre est pléthorique, de la Thaïlande aux Maldives, en passant par la France, l’Espagne, le Maroc, la Tunisie, Israël, ou encore les Émirats arabes unis. Il y en a vraiment pour tous les goûts et tous les budgets. Du point de vue des clients, il n’est pas forcément aisé de faire le bon choix parmi la centaine de clubs cacher qui gravitent cette année.
Auprès des acteurs que nous avons interrogés, le sujet de l’inflation fait évidemment partie de leur préoccupation. « Nous observons une hausse des coûts tous azimuts, au niveau des hôtels, des billets d’avion et des denrées alimentaires, indique à notre journal Armand Azoulay, du club Arié Chel Hida, qui attend près de 400 clients au Maroc. La viande et le vin ont beaucoup augmenté. Le prix des matzot a, lui, presque doublé par rapport à l’année dernière ».


Présent sur le segment des clubs cacher depuis de nombreuses années, ce professionnel dresse un constat qui a toute son importance : « Pessa’h est une fête à part où la nourriture et les repas occupent une place centrale. Une fois sur le lieu de villégiature, les participants ne peuvent effectivement manger nulle part ailleurs, à quelques exceptions près. Il faut donc tout prévoir en amont ». Une antienne partagée par Estelle Lumbroso, sur le créneau des séjours de Pessa’h depuis une trentaine d’années. C’est d’ailleurs elle qui a monté, dit-elle, le tout premier Pessa’h en dehors de France, dans les années 1990
en Tunisie en présence du grand rabbin Jacob Madar. « Le nerf de la guerre de ces voyages reste au bout du compte les repas. Même dans le cas où le client séjourne dans un hôtel de luxe, s’il ne s’y retrouve pas au niveau restauration, il va rouspéter. Nous nous efforçons chaque année de mettre l’accent aussi bien sur la quantité que sur la qualité sur le plan alimentaire ». L’approvisionnement des marchandises et leur niveau de commande pour la durée du séjour représentent un poste essentiel et éminemment stratégique. « Il s’agit d’une grosse logistique. Nous traitons avec nos fournisseurs. Il faut prévoir les boissons, les vins, les jus de raisin, les sodas… C’est énorme », prévient Armand Azoulay sans
en détailler davantage. « Nous sollicitons pour notre séjour à venir un transporteur international de route qui contient 35 palettes », précise de son côté Estelle Lumbroso qui va attirer un peu plus de 300 clients dans un hôtel en Espagne. Pour elle, tout doit être millimétré. Rien ne doit être laissé au hasard. Pourtant, elle observe qu’un certain nombre d’opérateurs s’improvisent voyagistes et organisateurs de clubs cacher, pensant qu’il y a « un coup à faire financièrement parlant ».
Pessa’h dernier, personne n’a oublié le scandale du séjour « To be Club » à Marrakech où 400 clients français ont vécu un véritable cauchemar. Coupures de gaz par la direction de l’hôtel, non livraison de nourritures bloquées à la douane, prestataires non payés, départ d’une partie du staff en début de séjour…. « On a vécu des grands moments de stress. Pour les deuxièmes fêtes, nous étions quasiment livrés à nous-mêmes, d’autres clubs cacher voisins nous ont fait parvenir des plateaux repas », relatait un participant à notre journal.

« Il y a trop de nouveaux venus qui n’ont rien à faire sur ce marché. Ils n’y connaissent rien au tourisme. Or, pour un séjour du calibre de Pessa’h, c’est bien de cela qu’il s’agit. Quand je veux manger une belle entrecôte, je me rends au restaurant. Mais quand je veux me faire coiffer, je ne vais pas
au restaurant, mais bien chez le coiffeur. À chacun son métier », argumente d’un ton sérieux Estelle Lumbroso. Et Armand Azoulay d’ajouter : « L’offre est aujourd’hui complètement éclatée. C’est du n’importe quoi. Certains prestataires qui travaillent pour ces séjours font des demandes de tarification qui ont explosé et qui obligent le marché à s’aligner sur celles-ci ».
À la tête de la plateforme communautaire JBoost Travel, Elie Samama alerte sur les dérives et les risques de certains séjours de Pessa’h. « Nous avons fait le tri sur les organisateurs et avons sélectionné uniquement ceux qui ont des garanties financières et qui sont certifiés par l’organisme Atout France », précise-t-il. « Les nouveaux venus qu’on voit arriver de nulle part n’ont aucune expérience
pour ce type de séjours et ne connaissent rien aux rudiments du métier. On l’a d’ailleurs vu avec l’affaire de l’année dernière. Ce qui m’oblige aujourd’hui à refuser certains acteurs. Pour le support de communication que je suis, cela peut même surprendre ». Pour lui, comme pour d’autres professionnels, de nouvelles affaires pourraient rejaillir à la surface cette année. « Tant que ces séjours ne sont pas entre les mains de vrais professionnels, nous ne sommes pas à l’abri d’un nouveau scandale », déplore Estelle Lumbroso.
En attendant, l’offre sur le Maroc a littéralement explosé cette année avec la présence d’une cinquantaine de clubs. « Le Maroc est bel et bien le produit phare de ce cru 2023 », confirme Elie Samama. « À tel point que, forte demande oblige, les billets d’avion ont grimpé au même niveau que ceux de Tel Aviv, jusqu’à 800 euros… ». JONATHAN NAHMANY

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