France/Politique

Macron, le « enmêmetemtisme » du déshonneur

Quand le Président Macron a été élu en 2017, bon nombre de nos compatriotes ont été séduits par son penchant pour la nuance et la réflexion, ce balancement incessant que les commentateurs n’ont pas tardé à qualifier «d’en même temps». Il peut en effet sembler intelligent de vouloir à la fois une politique économique libérale, car le dirigisme et la bureaucratie n’ont jamais apporté croissance et prospérité et «en même temps» penser qu’il faut atténuer les effets d’un capitalisme dur par une politique sociale généreuse. Cet axiome semblait aussi ouvrir la voie à une pensée plus féconde que les simplifications outrancières imposées par le circuit médiatique. Malheureusement, aujourd’hui force est de constater que c’est un «en même temps» dégradé qui brouille les repères, qui, non seulement, revient, dans certaines situations, à prôner l’immobilisme, mais qui est peut-être aussi analysé comme un double langage, évidemment inaudible.
C’est ainsi qu’Emmanuel Macron a été le premier Président français à se rendre au mur des Lamentations lors de sa visite en Israël en 2021, grâce au lobbying de l’excellent ambassadeur de France d’alors, Éric Danon, tout en provoquant des incidents dans la Vieille ville avec les Israéliens, mettant ainsi ses pas dans ceux de Jacques Chirac en 1996.
Le Président Macron a fait de beaux discours au dîner du CRIF et «en même temps» la France a multiplié les votes honteux à l’ONU et à l’UNESCO, soutenant par exemple que le droit des femmes est mal respecté en Israël ou encore niant les liens millénaires entre le peuple juif et la ville trois fois sainte (résolution sur Jérusalem en 2016).
La communauté juive est extrêmement troublée, et même choquée, par les discours du Président de la République ces dernières semaines. Emmanuel Macron s’est, en effet, rendu en Israël pour manifester sa compassion vis-à-vis des victimes du 7 octobre et son soutien du droit à Israël de se défendre; et dans la foulée, s’est envolé vers Ramallah discuter avec les Palestiniens, ce qu’aucun autre de ses homologues n’a osé faire cette fois-là. En a découlé la proposition irréaliste d’une coalition internationale contre le Hamas calquée sur celle qui a existé pendant 8 ans contre l’État islamique.
Il prétend soutenir le droit d’Israël de se défendre, mais n’a pas attendu un délai raisonnable pour le condamner sans retenue après une prétendue frappe israélienne sur un hôpital dont on apprendra quelques heures plus tard qu’elle émanait en réalité du Jihad islamique.
Le 10 novembre, trois semaines plus tard, dans une interview à la BBC, il déclare qu’il est insupportable de voir Israël bombarder des femmes et des enfants à Gaza et l’exhorte d’arrêter, sans jamais préciser que c’est le Hamas qui se sert de ses populations civiles comme boucliers humains. Rappelons que, dans le même temps, les États-Unis, par la voix de Joe Biden, et l’Allemagne, par celle du chancelier Olaf Scholz,
ont appelé Israël à des trêves humanitaires mais jamais à un cessez-le-feu qui renforcerait le Hamas.
Comment cette position est-elle compatible avec son soutien affirmé tant à Israël qu’à la communauté juive française, victime de dérives antisémites qui se sont propagées ces dernières semaines? Par ailleurs, pourquoi n’a-t-il pas honoré de sa présence la manifestation parisienne contre l’antisémitisme dimanche dernier? Pourquoi n’a-t-il pas défilé, aux côtés des Français, avec la présidente de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat et la Première ministre, comme l’avaient fait ses prédécesseurs, François Mitterrand en 1990 et plus récemment François Hollande après les attentats du Bataclan et de l’Hyper Cacher? C’est incompréhensible et intolérable. La France a adopté comme la quasi-totalité des pays occidentaux la définition de l’antisémitisme élaborée par l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance) qui condamne l’antisionisme comme une de ses composantes. Alors, lorsque le président fait une déclaration biaisée et obscène, laissant entendre qu’Israël bombarde volontairement des femmes et des enfants, il donne des arguments à tous les antisionistes et à tous les antisémites, et se cale sur la position de notre pire ennemi français aujourd’hui: Jean-Luc Mélenchon. Il est symptomatique que le président Macron ait convoqué récemment une conférence humanitaire sans y convier Israël…
Le Président Macron a, certes, sans doute voulu adopter une position «en même temps» équilibrée (!) à équidistance de la communauté juive d’une part, et de la communauté musulmane et des banlieues d’autre part. Il a peut-être aussi été réceptif à la note commune de plusieurs ambassadeurs français adressée au Quai d’Orsay, qui alertent sur la «mauvaise image» de la France dans le monde arabe….

Malheureusement, ce faisant il désespère la communauté juive et sert sur un plateau des arguments inespérés aux islamistes et aux pro- palestiniens les plus virulents. L’essayiste et célèbre journaliste israélien, Ben Dror Yemini, s’en est ému dans le Yediot Aharonot : «Que s’est-il passé Monsieur le Président Macron? La première mission des démocraties européennes était de vaincre des mouvements terroristes comme le Hamas et Daech, qu’il fallait combattre sans pitié. Que vous arrive-t-il, vous n’avez donc pas compris que nous ne voulions pas de cette guerre, mais qu’elle nous a été imposée. Comment voulez-vous que nous puissions éradiquer le Hamas, le Hamas qui se sert de civils comme boucliers humains». Depuis, le président aurait fait un petit rétropédalage en téléphonant au Président israélien Yitzhak Herzog. Comment expliquer que la France soit la seule puissance occidentale à avoir voté, toujours à l’ONU, une résolution imposant à Israël un cessez- le-feu immédiat sans même la moindre contrepartie de la restitution de tous les otages? Un cessez-le-feu aujourd’hui serait analysé dans la région comme une grande victoire du Hamas, la totalité de ses infrastructures militaires n’étant pas détruites. Cette situation serait mortifère pour Israël. Non seulement le Hamas pourrait dans un avenir proche perpétrer de nouvelles attaques contre Israël et commettre de nouveaux crimes contre l’humanité, mais en outre, cette démonstration de faiblesse pourrait constituer un signal fort pour le Hezbollah, l’incitant à attaquer sur le front nord sans craindre une réponse dissuasive d’Israël. Elle pourrait même encourager tous les ennemis d’Israël, qui ne rêvent que de sa destruction, à s’allier dans le but de mener à bien le Jihad à Tel Aviv, Be’er-Sheva, Jérusalem…
Mal nommer les maux – pour pasticher Camus -, c’est ajouter au malheur du monde – en l’occurrence, à celui d’Israël et des Israéliens.
Monsieur le Président, l’heure est venue de vous défaire de l’ambiguïté du «en même temps» et du double langage. Il en va de l’honneur de la France. ■

Marc Eisenberg

Président de l’AIU

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