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Haïm Korsia : « L’union est la plus grande force d’Israël »

ENTRETIEN

Le grand rabbin de France rappelle avec force à quel point il est nécessaire, vital même aujourd’hui, à travers nos mots, nos actions et nos engagements, de protéger ce qui constitue notre humanité.


Actualité juive : Quels mots placer sur cette horreur qui a surgi ?
Haïm Korsia : Ce qu’il s’est passé est tellement hors de toute considération humaine que l’on n’arrive toujours pas à le conceptualiser. On arrive à concevoir une incursion de terroristes, mais la haine, la dénégation de l’humanité de l’autre, est tellement inconcevable que l’on n’arrive pas à imaginer la chose. On est dans l’impensable parce qu’on est dans l’inhumain. L’enjeu pour Israël, qui possède l’une des armées les plus éthiques au monde – et pour avoir travaillé avec les armées, je pèse mes mots – sera de ne pas se laisser entraîner par cette barbarie, c’est-à-dire de rester une armée humaine et respectueuse des uns et des autres. Rester toujours à son niveau, voilà la grandeur d’Israël.
On s’interroge, ici ou là, sur notre responsabilité et sur la façon dont nous avons pu en arriver là…
H.K. : Je ne supporte pas ce genre de vision selon laquelle il s’agirait des conséquences des fautes des uns ou des autres. Une commission d’enquête sera chargée d’établir les défaillances, erreurs et sentiments d’orgueil qui ont fait confier la sécurité d’un pays à quelques lignes de métal, radars et ordinateurs.
La réalité est qu’Israël vivait un temps de désunion qui a toujours été sanctionnée dans l’histoire par un renforcement de ses ennemis. Et, regardez, la première réponse faite par Israël a été de former un gouvernement d’urgence nationale parce que l’union est la plus grande force d’Israël.

Pourquoi n’apprend-on jamais du passé ?
H.K. : Les avertissements, les signaux faibles d’une activité n’avaient pas été pris en compte parce que le pays avait d’autres préoccupations. Je crois qu’il y aura des prospections à faire, mais ce n’est pas le moment. Nous sommes dans le temps de la protection de l’État d’Israël et de ses citoyens. Et le seul moyen d’y parvenir est d’éradiquer le mal. Comme le dit la Bible : « Efface le souvenir d’Amalek ».

Qu’est-ce qui doit nous aider aujourd’hui à rester debout ?

H.K. : L’incroyable résilience du peuple israélien. Quand, en France, après les attentats de 2015, tout s’effondrait, les spécialistes étaient allés en Israël pour apprendre comment un pays pouvait être capable de tenir, de retourner dans le même café visé la veille par un attentat. Ce principe-là est essentiel et constitutif de ce qu’est la société israélienne. On doit, de notre côté, faire cet effort sur nous pour leur donner de la force.
De quelle manière concrètement ?
H.K. : Il faut que l’on se recrée dans cette humanité à laquelle on a voulu nous couper. Le chabbat est le seul moment de la semaine où l’on peut parler avec les autres sans le truchement d’Internet ou d’un média. On retrouve ce jour-là la force créatrice de la parole. Je pense que les traumatismes des uns et des autres, et surtout ceux des enfants, ne peuvent se contrer que par l’expression, c’est-à-dire par la parole, même si l’on doit pleurer. Et on le fera chez soi, dans l’intimité du foyer. Retrouver cette parole, c’est au fond purger tout le mal en nous qui, au fond, nous éteint, nous étreint et nous atteint. Verbaliser les choses, sortir la souffrance, c’est ce que j’engage la communauté à faire parce que je crois que la parole est rédemptrice.
Appelez-vous à des réunions communautaires pour que l’on puisse parler et prier tous ensemble ?
H.K. : Bien évidemment. Laforce de la prière nous a toujours permis de nous élever au-dessus des contingences terrifiantes de la vie. Nous allons reprendre les trois psaumes – 83, 142, 143 – que le rabbinat israélien a proposés en temps de guerre et nous avons d’ores et déjà fait passer un message à toutes les synagogues dans ce sens.
Qu’est-ce qui doit nous aider à garder la foi ?
H.K. : Je sais que des hommes et des femmes attendent de moi une parole d’apaisement et d’élévation. Cela me conforte et me rassure. Il faut qu’on tienne un cap, une vision d’espérance.
Comment garder aussi la foi en l’homme, capable de défendre l’innommable et l’indéfendable ?
H.K. : Nous avons encore des marges qui nous permettent d’intervenir pour expliquer ce qu’est l’Humanité. Quant à celles et ceux qui ont eu des propos insultants pour l’humanisme au cœur de nos sociétés, et de la nôtre en France en particulier, j’espère que les urnes leur donneront le seul verdict qu’ils méritent. Étant entendu que, par ailleurs, sont envisagés des recours judiciaires contre les déclarations les plus scandaleuses. J’estime qu’appeler à l’Intifada est une apologie du terrorisme.

Comment faudra-t-il penser et panser ces plaies béantes ?
H.K. : Rappelons-nous des États-Unis, après le 11 septembre 2001, qui ont réussi à se relever. Rappelons-nous aussi de la sidération de Paris après les attentats du 13 novembre 2015 et après lesquels nous avons aussi su nous relever. On se relève parce qu’il s’agit de toute l’histoire de l’homme. « Je place devant toi la vie et la mort… tu choisiras la vie », nous dit la Torah. Nous sommes construits sur cet axiome tandis que ceux d’en face chérissent la mort. Ne l’oublions jamais. Propos recueillis par Laëtitia Enriquez

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