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Gilles-William Goldnadel : « Je me suis réconcilié avec beaucoup de mes adversaires juifs de gauche »

ENTRETIEN
Son Journal de guerre est numéro un des ventes depuis plusieurs semaines. Un succès qui s’inscrit dans la continuité de ses interventions, que ce soit sur les plateaux de CNews, dans Le Figaro ou sur X, Rencontre avec un avocat charismatique, ô combien sensible, éprouvé et engagé.

Nous réalisons cet entretien quelques heures après l’hommage national rendu aux victimes françaises des attaques terroristes du 7 octobre. Un hommage auquel vous n’avez pas souhaité assister. Quelle lecture faites-vous néanmoins de ce moment ?
Gilles-William Goldnadel : Je dirais que Monsieur Macron était dans son bon jour. Mais comme il peut changer d’avis demain, et compte tenu de ce qu’il nous a fait hier, je prends ce qu’il a dit pour des mots. Des mots qui ne peuvent pas être pour moi réconfortants parce que pour qu’il y ait du réconfort, il faut qu’il y ait de la confiance. Or, il n’y en a plus. Alors oui, il faut reconnaître qu’au niveau des mots, il n’était pas à côté.

Vous annoncez, dès les premières lignes de votre Journal de guerre, que vous ne serez plus jamais heureux comme avant le 7 octobre. Nous sommes bien nombreux à le penser tout autant. Quelle va être désormais notre condition de Juif ?

G.-W. G. : En ce qui me concerne, je pense vivre cela comme un deuil permanent et inconsolable. Ensuite, cela va beaucoup être fonction de la manière dont les choses se sont passées.
La guerre n’est pas terminée. L’histoire n’est pas dite ni écrite. Ni en Israël ni en France. Nous savons maintenant la fragilité des choses. Nous vivions quand même, moi compris, dans une manière d’illusion, géographique du moins, qu’Israël était imbattable… Finalement, Israël est Israël, et nos conditions sont très fragiles. Je ne connais pas la fin.

Vos combats contre la pensée dominante, la désinformation, les dérives de la gauche extrême ne datent pas d’hier, loin s’en faut… Quel sentiment procure le fait d’avoir eu raison trop tôt ?

G.-W.-G. : Je serais incapable de vous dire où j’en suis de la colère, de l’affliction, de mes satisfactions narcissiques par rapport à mon bouquin qui est premier aussi…Tout se mélange. La réalité est aussi que je me suis réconcilié avec beaucoup de mes adversaires juifs de gauche. Alain Jakubowiz, Frédéric Haziza, pour ne citer qu’eux. Je suis encore très en colère contre le CRIF néanmoins. Qu’aujourd’hui encore, Yonathan Arfi, d’un niveau intellectuel bien supérieur, puisse continuer à dire que le Rassemblement national soit composé de faux amis me déplaît. Au-delà de l’injustice du propos, nous n’avons pas le luxe d’avoir plusieurs ennemis. J’ai toujours dit que je suis un Juif du réel et, en cela, je me sais obligé de bander mes forces contre l’ennemi. J’ai très vite compris que c’est le Juif qui a changé et qui a fait changer l’antisémite. C’est là toute ma thèse depuis 30 ans. Quand le Juif n’avait pas d’État, il était vécu par l’extrême droite comme un veule et apatride. Quand le Juif a eu un État, l’antisémitisme a muté et il est devenu un nationalisme belliqueux. L’antisémite a changé de trottoir et l’on ne peut pas regarder deux trottoirs à la fois, surtout lorsque l’un mesure un centimètre et l’autre dix mètres.

« J’ai tenté de prévenir ma communauté juive sur les dangers de l’immigration massive », écrivez-vous. Qu’aurait-elle pu faire de plus ?

G.-W. G. : Je me souviens de l’un de mes premiers articles commis dans Le Figaro, dans lequel j’avais volé au secours de Valéry Giscard d’Estaing (que j’avais contribué à faire battre avec Henri Hajdenberg dans le cadre du Comité juif d’action) qui avait dit que les Français vivaient l’immigration comme une invasion. J’écrivais alors, dans une sorte d’épître à ma communauté, que je n’aimais pas beaucoup que les Juifs soient d’un réalisme d’acier en ce qui concerne Israël (en s’opposant au droit au retour des réfugiés palestiniens ndlr) et d’un angélisme de plume en ce qui concerne la France. À l’époque, il y avait une sorte de solidarité naturelle entre les nouveaux immigrants et les immigrés que nous avions été. C’était d’une sottise absolue pour qui connaissait l’islam et l’islamisme. Dès le départ, je l’ai vécu non seulement comme un danger pour la France mais aussi un danger pour les Juifs. Que n’avais-je pas eu à l’époque comme réactions… Dans les réunions du Comité juif d’action, puis dans le Renouveau juif, j’étais déjà celui de l’époque qui n’aimait pas que l’on se fasse Jean-Marie Le Pen. Non pas parce que j’aimais Jean-Marie Le Pen (je l’aimais moyen) mais parce que, je le disais, le Front national était un leurre, au sens militaire du terme. Nous allions être tournés à revers par l’extrême gauche et l’islamisme, prévenais-je.

Vous précisez aussi dans ce Journal de guerre votre position sur le dossier israélo-palestinien. Vous vous dites proche de la position d’Élie Barnavi et favorable à deux États ainsi qu’à une présence israélienne uniquement militaire en Judée-Samarie. On connaissait le positionnement, « de gauche en France, de droite en Israël », mais, celui qui semble être le vôtre, de gauche en Israël, de droite en France, est beaucoup plus singulier !

G.-W.G. : C’est possible… Mais je ne me dis pas de gauche en Israël sur les sujets économiques ou sociétaux. Je ne méconnais pas la douleur du sacrifi ce territorial, mais en effet j’étais pour un compromis déchirant, avant tout dans l’intérêt des Juifs d’Israël. Et, parce que je sais un tout petit peu compter, je préfère un petit chez moi qu’un grand chez les autres.

Avez-vous toujours le même point de vue depuis le 7 octobre ?

G.-W. G. : Je suis aujourd’hui extrêmement troublé. Je regrette que les choses ne se soient pas faites, pas en raison des Juifs bien sûr, mais en raison des Arabes. Alors qu’on leur avait proposé le compromis à plusieurs reprises, cela ne les intéressait pas. Malgré Oslo, le Hamas a continué les attentats. Mais oui, j’étais dans l’état d’esprit d’un partage territorial et je n’ai pas, comme mon ami Meyer Habib, la religion des territoires. Et si vous me sortez de votre chapeau un leader palestinien qui ne serait pas tué dans la seconde même, une sorte de Sari Nusseibeih, ou peut-être même de Mohammed Dahlan, qui aurait suffisamment de prestige et d’autorité pour proposer cela, j’y serais favorable. Mais je sais bien qu’il va falloir désormais compter avec les gens que l’on a installés là-bas.

Comment voyez-vous l’avenir des Juifs en France ?

G.-W. G. : Mal, très mal… Ma famille, mes enfants vivent aujourd’hui en Israël. En ce qui concerne mon avenir personnel, vous voyez donc bien vers quel côté je regarde… C’est une réalité que je n’ai pas choisie mais que mes enfants ont choisie, après s’être fait traiter de sales juifs, comme leur père, mais par une autre partie de la population.
La réalité est que je suis inquiet pour l’ensemble des Français. Les Juifs sont encore plus en
danger que les autres Français qui sont aussi en danger. Je vis l’immigration comme un danger existentiel, mortel et je ne le vois pas s’arrêter. Si le Juif est le premier exposé, il a néanmoins la chance d’avoir un État. Mais, compte tenu de la situation en France et compte tenu de la situation en Israël aujourd’hui, je ne saurais imposer aux Juifs ce qu’ils doivent faire.

Comment voyez-vous l’issue des élections présidentielles de 2027 ?
G.-W. G. : J’ose espérer la déroute totale de la gauche. À droite, je ne saurais dire qui va triompher, mais, Marine Le Pen a ses chances.

Et vous seriez son ministre de la Justice ?

G.-W. G. : (Sourires). Ne pas avoir l’investiture (que Meyer Habib a obtenue – ndlr) et ne pas faire de politique font partie des bonnes choses qui me sont arrivées dans la vie. Pour dire vrai, cela m’aurait amusé d’aller m’amuser avec mes amis du palais Bourbon. Mais l’état du personnel politique français depuis l’arrivée des insoumis est devenu terrible. Je n’aurais eu aucun plaisir d’être au Parlement. Et j’ai la faiblesse de penser que je suis plus utile, plus influent pour la France, pour Israël et pour les Juifs, dans mon rôle aujourd’hui que si j’étais député. Donc non, ce n’est pas un job pour moi.

L’extrême gauche n’en finit pas de nous ulcérer. L’attitude des députés LFI relève-t-elle, selon vous, de la conviction, de la soumission, voire du service commandé ?

G.-W. G. : Je ne taxe pas ces gens-là d’hypocrisie. Qu’ils soient dans une perspective électoraliste, je n’en doute pas un seul instant. À bon escient et, de ce point de vue-là, je crois qu’ils ne perdent pas une voix islamiste. Et, pardon de vous le dire, l’islamisme est nombreux dans la population musulmane. Les autres musulmans, qui ne sont pas là-dedans ne votent pas Mélenchon. Je persiste toutefois à penser qu’ils font une mauvaise affaire et, si j’avais été eux, j’aurais été plus subtil. Mais s’ils n’ont pas, non plus, été subtils, c’est parce qu’ils y croient. Ces gens-là ne sont pas des hypocrites. Ce sont des gens qui regardent le petit Blanc des banlieues qui ne vote pas pour eux et qui chante La Marseillaise comme un raciste. Ils le détestent. L’islamo-gauchiste ou l’islamo-wokiste déteste l’Occidental blanc. Si les féministes ne souffrent pas pour les femmes des kibboutz violées et éventrées, ce n’est pas parce qu’elles sont juives, mais parce qu’elles sont blanches.
Et, surtout, parce qu’elles ont été violées par quelqu’un qui ne l’était pas et donc, qui n’était pas, inconsciemment, totalement détestable. Le seul qui est détestable, c’est le mâle blanc.

L’ironie amère qui vous caractérise, c’est ce qui vous sauve aujourd’hui ?

G.-W. G. : Ce qui me sauve, c’est de me battre. Ce qui m’a sauvé, ici, c’est la guerre. J’ai fait la guerre le soir, sur le plateau de Pascal Praud, puis sur X.
Autrement, je serai parti. Je fais la guerre comme je sais la faire, pas trop mal j’espère. Et, je le dis franchement aussi, je crois que j’aime plus Israël que la France, en raison de la fragilité du petit État. Mais je crois que je préfère les Français aux Israéliens.

Votre popularité dépasse la sphère communautaire, mais en exprimant vos tourments et vos colères avec votre manière si singulière, vous lui apportez du baume au cœur depuis quatre mois. En avez-vous aussi conscience ?

G.-W. G : Je suis heureux de l’entendre et de l’apprendre, mais, vous savez, lorsque je sors dans la rue, je suis autant remercié par les Français non juifs que par les Français juifs. Donc non je ne m’en rends pas compte. Vous n’imaginez pas à quel point le Français non juif est pareil. Mon livre est aussi là-dessus. Je n’ai pas été déçu par les Français. Au contraire, je n’ai jamais été aussi proche d’eux qu’en ce moment. ■
Propos recueillis par Laëtitia Enriquez

Journal de Guerre.
C’est l’Occident qu’on assassine

Le titre n’est en rien trompeur. Écrit au jour le jour (ou plus exactement au soir le soir) depuis le lendemain du 7 octobre, Gilles-William Goldnadel arrive à mettre des mots
sur cette sidération, ce désarroi, cette colère et cette tristesse qui nous oppressent
depuis le 7 octobre. Au-delà de ses sentiments meurtris et inextricables qu’il dépeint
si justement, l’avocat et essayiste livre aussi un terrible constat d’un monde à la dérive qu’il savait depuis longtemps déjà menacé.

Éditions Fayard- 300 pages- 19,50 euros

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