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Emmanuel Navon

Le géopolitologue israélien et président d’Elnet Israël répond aux questions d’Actualité Juive.
Comment expliquer qu’une offensive du Hamas d’une telle ampleur ait pu avoir lieu sans qu’Israël n’ait rien anticipé ?

Emmanuel Navon : Depuis 2009, la stratégie de Netanyahou a été de pactiser avec le Hamas et de le laisser se développer et parallèlement de miser sur la défense, avec une barrière de sécurité et un blocus maritime militaire en coordination avec l’Égypte. L’analyse était que tant que le Hamas dirige Gaza, cela contribue à la division entre l’enclave côtière et les territoires de Judée-Samarie sous contrôle de l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas. Et la situation était gérable, malgré les attaques périodiques de roquettes et les contre-attaques de Tsahal. Mais cette conception s’est révélée biaisée. Le Hamas a fait la preuve de ses capacités, avec le soutien logistique, politique et financier de l’Iran. Il a attaqué Israël par air, terre et mer avec des conséquences catastrophiques, encore pires que celles de la guerre de Kippour en 1973. Avec des massacres de civils, d’enfants tués devant leurs parents, de vieillards pris en otage. Avec des missiles tirés jusqu’à Tel Aviv. Une humiliation bien pire que celle infligée à Israël il y a cinquante ans.
Quel rôle a joué la crise politique intérieure qu’Israël traverse depuis dix mois sur fond de réforme judiciaire ?
E.N. : Ce n’est pas cela qui a affecté les capacités de défense d’Israël. Il s’agissait de manifestations légitimes contre une partie de la politique gouvernementale. Ce n’est pas cela qui explique que le Hamas ait réussi à neutraliser les capacités technologiques de Tsahal. C’est un échec de l’armée qui n’avait pas assez de forces sur le terrain. En revanche, dans la perception du Hamas, oui, la crise politique a joué un rôle. Le Hamas, comme toutes les organisations terroristes, ne comprend pas les sociétés libres. Il a interprété à tort les divisions sociétales comme un effondrement du pays. Parce que c’est comme ça que ça se passe chez eux. Mais chez nous, c’est l’inverse. Chez nous, la société resserre les rangs et refait l’union quand elle est attaquée.
Comment peut-on résoudre la tragédie effroyable des otages israéliens retenus à Gaza ?
E.N. : C’est un piège. Soit on négocie en position de faiblesse, soit on lance l’offensive avec le risque de toucher les otages et de perdre la possibilité de les libérer. C’est une catastrophe.
Quelles peuvent être les répercussions régionales de cette guerre qui s’ouvre avec le Hamas ?
E.N. : Aucune espèce d’importance pour le moment. On est en guerre, ce n’est pas le problème.
Le soutien international s’est manifesté très rapidement et en particulier celui des États-Unis, mais pas seulement. Est-ce que ce soutien va durer quand les opérations militaires de Tsahal vont s’intensifier ?
E.N. : Le soutien américain est constant depuis la fin des années 60. Le président Biden a de nouveau prouvé dans les faits qu’il est l’allié d’Israël. Les États-Unis comprennent que l’Iran est derrière le Hamas et aussi que l’Iran est soutenu par la Russie et par la Chine. Donc, leur soutien n’est pas seulement motivé par leur amitié pour Israël. Ils comprennent parfaitement les conséquences possibles d’une victoire ou même seulement de points marqués par l’Iran. Exactement comme les conséquences qu’aurait une défaite de l’Ukraine face à la Russie. L’aide américaine est aussi importante dans l’éventualité d’une guerre sur deux fronts. Quant à l’Europe, elle soutient aussi Israël car elle a compris que le but du Hamas n’est pas de mener une lutte pour l’autodétermination, mais qu’il s’agit d’une organisation barbare, ennemie des Juifs et de l’Occident. Pour la suite du soutien en Europe, cela dépendra évidemment des dirigeants des différents pays. Certains maintiendront un soutien inconditionnel, d’autres émettront probablement des réserves. Mais si l’on regarde la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Italie, et même la cheffe de la diplomatie européenne, Ursula von der Leyen, on sait qu’on peut compter sur eux.
Un gouvernement d’union est-il indispensable ?
E.N. : Non. Pas pour la population qui soutiendra de toute façon le gouvernement et qui se battra. Car les Israéliens se battent pour leur pays, pas pour un dirigeant. Que l’opposition entre ou non au gouvernement, elle a déjà assuré qu’elle soutiendrait le gouvernement de l’extérieur. Mais il est vrai qu’un gouvernement d’union aurait des avantages. Notamment celui d’envoyer un message clair à l’ennemi. Mais il ne peut se former à n’importe quel prix. D’ailleurs, le jour où la guerre prendra fin,
il faudra des élections. Ce gouvernement ne devra pas rester en place une minute de plus. Propos recueillis par Pascale Zonszain

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