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L’humour au cœur de la Torah

Il y a aussi du rire, de l’ironie, voire de l’impertinence, dans les textes de la Bible et du Talmud, rappellent ici le grand rabbin de France Haïm Korsia et l’auteur et psychanalyste Sidney Cohen.

S’il fallait une preuve de son importance dans nos textes sacrés, le rire est à l’origine du nom d’un de nos patriarches. Isaac, Yitzhak, qui signifie « il rira », ou plus précisément « il a ri » en hébreu biblique. Une allusion à ce rire provoqué chez Sarah et Abraham, ses parents, à l’annonce de ce fils qu’ils n’attendaient plus étant tous deux très âgés.
« Sarah a ri mais Abraham a ri de bonheur avant elle », rappelle le grand rabbin de France Haïm Korsia. « Elle a ri parce qu’elle était dubitative par cette annonce, poursuit-il. Il s’agit là d’une nouvelle stupéfiante mais qui ne les déconnecte pas du monde. Et c’est bien là toute la fonction du rire. C’est une manière de ne jamais être surpris par le monde. Le rire est bien le propre de l’homme. Il permet de prendre de la distance, de ne pas être écrasé par l’événement qui se produit.

« Un amour qui génère une possibilité d’humour » Psychanalyste et auteur*, Sidney Cohen a publié, en 2008, dans la revue Libres Cahiers pour la psychanalyse un texte intitulé Entre le Juif et son Dieu… une histoire d’humour. « Ce que l’on décrit habituellement du rapport entre le Juif à son Dieu est généralement un rapport écrasant avec un Dieu impitoyable qui punit et ne supporte pas les écarts de son peuple. Or, on oublie la dimension d’amour profond qui caractérise ce lien. Dieu a choisi son peuple, le peuple élu et cela établit un rapport d’amour très particulier. Et c’est ce rapport d’amour qui, à mon sens, est à la source de cette liberté. Un amour qui génère une possibilité d’humour », explique-t-il aujourd’hui. Parmi les nombreux épisodes bibliques qui témoignent de cette proximité génératrice d’humour, Sidney Cohen relate ce passage de la Genèse où Dieu annonce à Abraham son intention de détruire Sodome et Gomorrhe. « Abraham entre alors dans un marchandage pour réclamer sa clémence. Il insiste, fait descendre les enchères, réclame la clémence pour quarante-cinq, pour trente, puis vingt, puis dix Justes. Ce marchandage avec Dieu est autorisé par « l’alliance », alliance scellée par un engagement réciproque entre deux protagonistes se situant à un même niveau ». Plusieurs autres textes sont nourris d’humour et traités avec moquerie. Ils témoignent de cette connivence singulière qui prévaut. Le grand rabbin de France cite notamment ce texte de la Guemara (Baba Metsia 59 a-b ) où débattent rabbi Eliezer ben Orkenos et rabbi Yoshoua. « Le premier donne des arguments mais il est seul contre tous les rabbins.
Le second considère que ses arguments ne sont pas valables.
Il dit alors : « Si j’ai raison qu’une voix sorte du ciel et dise que j’ai raison ». Une voix sort du ciel et dit « Eliezer mon fils a raison ». Rabbi Yoshoua réagit alors en déclarant : « Peu m’importe ce que dit la voix. La Torah n’est pas dans les cieux ». On demanda ensuite à Elyahou Hanavi comment Dieu a réagi. La Guemara répond ainsi : Dieu riait, en disant : « Mes enfants m’ont bien eu, mes enfants m’ont bien eu ». Ainsi, le rire est bien une façon de ne jamais se sentir agressé par l’autre ».
La fête de Pourim, celle des sorts et des miracles est aussi la fête dont le récit se singularise par un comique de situation. Ce ne sont pas les Juifs mais leurs ennemis qui furent exterminés. Aman fut pendu à l’endroit même où il avait prévu de faire pendre Mordekhaï. On se rit ainsi des méchants. Et l’humour demeura intrinsèquement lié à la condition juive.

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