Régions

Le très gris passé de Pierre Pflimlin

La parution de La face cachée de Pierre Pflimlin éclaire enfin le passé extrémiste de l’ancien maire de Strasbourg et ministre Pierre Pflimin (1907-2000) autour duquel le silence a trop longtemps plané.

Maire de Strasbourg de 1959 à 1983, député, président du Parlement européen de 1984 à 1987 et plusieurs fois ministre, le nom de Pierre Pflimlin (1907-2000), monument de la vie politique alsacienne des décennies d’après-guerre, évoque généralement un centrisme consensuel, humaniste et européen. Les citoyens les mieux informés murmuraient certes qu’il y avait des parts d’ombre derrière le « mythe Pflimlin » mais publiquement une omerta publique, sur laquelle Pflimlin et son entourage veillaient autoritairement, a toujours régné concernant ses engagements politiques et professionnels d’avant 1945.


Convaincu que « l’apaisement ne naît pas du silence », le journaliste retraité et fin connaisseur de l’histoire régionale Claude Mislin a mené la première enquête approfondie sur le sujet, deux décennies après la mort de l’homme dont un grand nombre de rues et de places alsaciennes et même un bâtiment du Parlement européen portent le nom. L’enquête commence à la fin des années 1920 quand le brillant étudiant en droit adhère aux Jeunesses patriotes, mouvement de droite radicale antiparlementaire. Pierre Pflimlin fut le responsable local de ce mouvement qui s’unit en 1933 avec d’autres mouvements plus extrémistes encore pour créer en Alsace le regroupement d’extrême droite « Force nouvelle » dont bien des militants professaient un virulent antisémitisme. Sous l’Occupation, il fut brièvement chef de la propagande du Secrétariat général de la jeunesse à Vichy avant de faire le choix d’une carrière de magistrat qui le mènera en Haute-Savoie où il avait notamment la charge de condamner les juifs qui tentaient de fuir vers la Suisse voisine…


Mais la force de cet ouvrage est de ne pas simplifier l’itinéraire de M. Pflimlin, qui est probablement davantage gris foncé que totalement noir. Si le compagnonnage avec des antisémites notoires ne l’a visiblement pas particulièrement dérangé, il semble n’avoir lui-même jamais été touché par ce fléau. « Ce sentiment m’est étranger » écrivait-il ainsi dans un courrier daté de 1935 où il qualifie d’ « injustifiable » la haine des juifs. Et concernant les peines infligées aux juifs attrapés en voulant passer la frontière, l’auteur, qui ne cherche nullement à le laver de ses fautes, montre qu’elles furent globalement très « indulgentes ». Nathan Kretz

La face cachée de Pierre Pflimlin,

Claude Mislin

La Nuée Bleue, 168p./22€

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