France/Politique
A la Une

La communauté juive doit-elle accepter de débattre avec le RN ?

Après la polémique autour de l’acceptation par Serge Klarsfeld de la médaille de la ville de Perpignan par son maire Louis Aliot, puis le renoncement de Radio J à recevoir Marine Le Pen à son émission politique, nous nous sommes demandé s’il fallait désormais considérer le Rassemblement national comme un interlocuteur politique à part entière. Cette question se pose de manière récurrente dans la communauté juive. Deux responsables de terrain y répondent.

POUR

Josianne SberroAncienne élue. Chef d’établissement à la retraite. Vice-présidente de France Israël.

Josianne Sberro
Ancienne élue. Chef d’établissement à la retraite. Vice-présidente de France Israël.

« Il est hors de propos de répondre par une simple affirmation-négation à une question aussi lourde d’engagements collectifs et personnels, passés, présents, et futurs. Ma réponse sera donc plurielle. En tant que responsable depuis 40 ans d’une communauté active d’Île-de-France, je réponds aussitôt : Non ! La communauté juive ne doit rien au RN, au mieux, elle est en droit d’opposer le silence, vu tout ce qu’il faudrait effacer, clarifier, voire détruire avant d’ébaucher le moindre embryon de dialogue. Rien ne saurait ni ne pourrait imposer quoi que ce soit de cette nature à notre communauté : votre question ne donne ni le temps de l’explication, ni le loisir de l’oubli.
N’ayant que peu, très peu d’espace pour étoffer ma réponse, j’ajouterai mon point de vue personnel. En tant qu’ex-élue du feu PS, et le RN étant aujourd’hui un groupe parlementaire élu de la République, il nous revient, en des lieux dédiés au dialogue, telle l’Assemblée, de débattre afin d’éviter de réduire au silence une fraction conséquente de la nation. Ce sera un dialogue gestionnaire d’efficacité loin de toute idéologie castratrice.
La question se pose dans le cas des médias juifs. Peuvent-ils ? Doivent-ils ? Juif ou pas, un média n’est rien d’autre que la médiation, le reflet d’une parole collective. Notre propos précédent laisse entendre qu’en ces lieux, l’ouverture d’un « débat » à proprement parler avec le RN serait difficilement vécue par l’ensemble de la communauté.
Débat veut dire « partage ». Il serait, cependant, possible d’entrevoir une rencontre, un questionnement avec les médias juifs, pour un positionnement précis du RN sur les sujets de préoccupations vivaces d’une communauté inquiète quant à ses droits essentiels d’expression, de fidélités, de choix politiques ».

CONTRE

Samuel Lejoyeux Président de l'UEJF

Samuel Lejoyeux

Président de l’UEJF

https://uejf.org/

« Débattre, c’est croire en la possibilité de convaincre. La confrontation constructive engendrée par le débat est centrale dans la formation des idées et la possibilité de faire société. Pourtant, il est impossible pour la communauté juive d’entrer en débat avec le Rassemblement national, tout simplement parce que ce dernier n’est pas mouvant, il ne cherche pas à évoluer. Il est le même parti, depuis l’OAS et la Waffen-SS de sa création, depuis Jean- Marie Le Pen, depuis le « point de détail » et les sorties sexistes du fondateur du FN. Le refus systématique des responsables actuels du RN à condamner le passé est une preuve irréfutable qu’ils n’ont pas changé.
La posture du Rassemblement national est la même qu’aux origines, malgré dix années de présidence de Marine Le Pen, dix années de dédiabolisation. C’est cette même dédiabolisation qui nous amène aujourd’hui à nous poser – légitimement – la question  : doit-on débattre avec le Rassemblement national ? Et malgré le constat criant qu’il n’a pas changé, la question qui doit nous saisir est celle de la posture du RN et sa capacité à bouger dans le futur ! Et là, c’est d’autant plus évident : la dédiabolisation est une stratégie politique, elle est théorisée, presque assumée. Le but : permettre d’être plus audible sur la forme, sans rien changer du fond. Leurs sorties xénophobes sont toujours là, comme la volonté d’interdire l’abattage rituel et la kippa dans l’espace public. La posture du Rassemblement national réside dans la définition même du processus de dédiabolisation : ils ne bougeront jamais.
En participant à un débat public avec le Rassemblement national, la communauté juive n’est sûre que d’une chose : les renforcer. Au contraire, refuser le débat, c’est jouer notre rôle de verrou de l’accession de l’extrême droite au pouvoir ». Laëtitia Enriquez

Supplément du journal

Petites annonces

Votre annonce ici ? Ajouter mon annonce

Publicités

Bouton retour en haut de la page

Vous ne pouvez pas copier le contenu de cette page