France/Politique

François Vey : « Nous devons convaincre nos lecteurs, numéro après numéro »

MÉDIAS Le onzième numéro du magazine Légende, consacré à Simone Veil, est en kiosque et en librairie. Rencontre avec François Vey, son rédacteur en chef.

Légende est un trimestriel haut de gamme présentant le parcours de personnalités iconiques. Quelles sont sa ligne éditoriale et sa place dans le groupe de presse fondé par Éric Fottorino, également composé de Zadig, Le 1 et America ?

François Vey : Légende est le « dernier enfant » de la série de publications. Il est né au moment du confinement, en juin 2020, et ce numéro sur Simone Veil est le onzième de la série. Notre revue s’intéresse aux héros et aux héroïnes de notre époque, à des personnalités inspirantes, vivantes ou disparues, dont on pense qu’elles ont une résonance particulière aujourd’hui. Elles sont, en cela, dans l’actualité actualité au sens sociétal et de temps long. Sa spécificité est d’être monothématique et international. Les personnalités mises à l’honneur sont françaises et internationales. C’est le contraire de Zadig, par exemple, qui propose des dossiers transversaux sur la France.

Il n’y a pas de publicité dans Légende. Quel est votre modèle économique ?

F.V. : Légende est une publication indépendante et vous avez raison de le souligner.
C’est aussi le cas du 1, de Zadig et d’America (qui s’est arrêté après quatre ans, comme nous l’avions promis). L’avantage de ne pas avoir de publicité est de ne dépendre que de nos lecteurs abonnés ou acheteurs mais puisque nous ne dépendons que d’eux, nous devons réussir à les convaincre, numéro après numéro. Nous avons mis en place pour Légende le même système que pour nos autres publications, c’est-à-dire un double circuit : le circuit de la presse et celui du livre car le journal est vendu à la fois chez les marchands de journaux et chez les libraires.Dans le cas de Légende, cela nous paraît assez adapté car chaque numéro fait partie d’une collection que l’on garde et que l’on archive. Les libraires gardent les anciens numéros, c’est ainsi qu’on continue à vendre le numéro sur Angela Davis, qui était notre numéro deux et qui était sorti à l’automne 2020. Chez les marchands de journaux, en revanche, ils repartent une fois qu’ils ne sont plus vendus.

Votre onzième numéro est consacré à Simone Veil. Comment cette figure s’est-elle imposée ?

Ce numéro était destiné à sortir le 8 mars et nous cherchions une figure féminine importante qui continue à faire écho dans notre époque. Nous avions au moins deux grandes raisons de parler de Simone Veil : son combat pour le droit à l’avortement en 1975 et celui pour la construction européenne. Il y avait également un autre combat, sans doute moins connu du grand public mais fondamental dans sa vie, c’est celui qu’elle a mené au sein de l’administration pénitentiaire. Quand elle était magistrate, Simone Veil n’a eu de cesse d’essayer de remédier aux scandales les plus criants en matière d’emprisonnement, en particulier la surpopulation carcérale et les mauvaises conditions de détention des détenus, hommes et femmes. Dans son esprit, on devait pouvoir être éduqué et formé en prison. Elle pouvait être le lieu d’une élévation intellectuelle possible. Après l’expérience des camps de concentration et d’extermination, Simone Veil a eu des actions très concrètes, très fortes et très pionnières dans les prisons, en plus de ses engagements européen et féministe.

Précisément parce que Légende repose beaucoup sur la photo, redoutez-vous le développement des photos retouchées par l’IA, ce qu’on appelle les deepfakes, et comment nous en prémunir ?

F.V. : Il est vrai que nous nous sentons un petit peu à l’abri des deepfakes car notre travail est en permanence d’aller à la recherche de la source et des bonnes légendes. Pour établir les légendes, quand on ne les a pas, nous enquêtons pour savoir dans quelles circonstances et dans quels lieux les photos ont été prises. Pour vous donner un exemple, la première double-page du journal est toujours une photo panoramique. Dans le numéro sur Simone Veil, la jeune fille a les bras ouverts sur deux grands rectangles de tissu et surplombe une vallée. Le seul élément que nous connaissions était la date automne 1943 nous avons donc reconstitué le fait que Simone Veil, à cette époque-là, était chez les Éclaireuses laïques. Notre iconographe a établi, après des recherches, qu’elle ne tient pas un cerf-volant, comme on en a l’impression, mais qu’il s’agit de sémaphore. Elle fait de la signalétique avec ces deux rectangles de tissu. Ce travail de décryptage des images que nous faisons, est totalement à rebours des images retouchées qui se propagent, notamment sur les réseaux sociaux. Nous cherchons, au contraire, à établir l’origine des images pour produire des documents vrais et factuellement justes. Ce travail de contextualisation est peut-être un remède à l’essor des images retouchées. Il devient en tout cas une nécessité : interroger en permanence les sources pour savoir leur véracité et avoir le réflexe d’une approche critique des documents.

Une affaire de contrefaçon vous porte aujourd’hui préjudice. Eric Fottorino a annoncé qu’il attaquait le magazine Eternel pour parasitage commercial. De quoi s’agit-il ?

F.V. : Effectivement, si vous trouvez dans un point de vente une revue qui a un peu le même logo, un peu la même présentation, un peu le même format et qui est consacré à des icônes de notre temps, c’est de la contrefaçon. Comment distinguer le vrai du faux et l’original de la contrefaçon ? À Légende, les articles sont signés et les photos légendées, tout est référencé, ce qui n’est pas le cas de cet autre journal qui prend le soin de dire à ses lecteurs que sa rédaction n’est pas responsable du contenu éditorial… Chez nous, c’est tout le contraire : nous sommes responsables du contenu de A à Z et surtout, on le paye. On paye des photographes, des contributeurs, des journalistes, des écrivains et c’est ce qui explique notre prix de vente à 20 euros car nous n’avons pas de publicité. Cette concurrence est totalement déloyale car non seulement ce journal nous pille notre idée, mais il induit aussi le lecteur en erreur et c’est un gros préjudice. Les gens croient qu’ils achètent une de nos publications et ils sont déçus car ils ne trouvent pas dedans le sérieux et l’exigence de notre contenu. Yaël Scemama

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