Shmuel Trigano : Parvenus, parias, souverains

L'identité du Juif moderne, selon Hannah Arendt, n'a été reconnue au départ par l'Europe qu'à titre d'"exception". Les Juifs que les salons des Lumières fêtaient n'étaient en effet reçus qu'à titre de "Juifs d'exception", c'est-à-dire parce qu'ils se détachaient du "reste" des Juifs, supposés n'être que des "Juifs de ghetto". Ces Juifs, en général brillants intellectuels, prenaient eux-mêmes un grand soin à se démarquer de leurs congénères pour se faire reconnaître et accéder à l'égalité : non pas donc en vertu d'un droit mais d'un privilège, d'une exception. Ce que ne voit pas Arendt c'est qu'il fallait prouver que l'on méritait de devenir citoyen car cette condition n'était pas impliquée dans la condition d'homme. Plus exactement, c'est parce que les Juifs n'étaient pas censés être naturellement des "hommes" qu'ils devaient prouver qu'ils pouvaient être des citoyens en cessant d'être des Juifs pour redevenir des "hommes". Les femmes, elles, eurent moins de chance : en 1789, elles ne furent pas alors reconnues comme des "hommes" et ne devinrent pas citoyennes. Le contrat de l'émancipation obligeait les Juifs à une condition individuelle et anonyme (comme "sujets de droits"), qui passait par le renoncement au peuple juif et à sa civilisation, non point un folklore nostalgique mais un point de vue sur l'univers. Arendt vit cependant parfaitement que le Juif ne pouvait désormais avoir le choix qu'entre deux identités pathologiques et défaillantes. Soit, pour être "reconnu" (comme "homme") et entre ...

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