Shmuel Trigano: L’affaire Sisco, une «rixe communautaire », vraiment?

La "rixe de Sisco" a occupé, de nombreux jours durant, les médias. Ce n'est pas tant pour combler la rareté d'événements du mois d'août, me semble-t-il, que du fait du cas de figure très sensible que représente l'événement pour l'idéologie qui sévit depuis plus de 15 ans dans le discours médiatique. La prophétie auto-réalisatrice des médiasLes journalistes guettaient manifestement le premier signe de l'embrasement de la France que les attentats islamiques laissent prévoir et que le "pas-d'amalgame" qui gouverne leur discours est censé conjurer et réprouver (tout en le provoquant, car c'est une condamnation préalable, avant même tout développement dans ce sens, qui le fonde: le préjugé de culpabilité potentielle de(s) non-musulmans effaçant la culpabilité réelle de certains musulmans dans des massacres commis au nom de l'islam). Cet intérêt journalistique mérite justement qu'on s'y attarde, particulièrement dans sa créativité rhétorique qui laisse percer l'impact de cette même idéologie dans la mise en mots du fait brut. Il faudrait, bien sûr, en matière de médias, remonter jusqu'à la source de la doctrine idéologique, à savoir les directives d'écriture (ou, selon le galimatias actuel: "les éléments de langage") de l'AFP qui construisent l'événement de telle sorte qu'il s'inscrive dans la vulgate doctrinale. Ce terme de "doctrine" est pleinement justifié pour définir le "roman" de la réalité que forge cette agence semi-étatique pour "rendre compte" des événements. Elle fournit un référenciel de base pour la conscience collective que structure le discours médiatique.  La construction de l'événementL'AFP possède, de par cette fonction, quasi régalienne, un pouvoir immense, que personne ne conteste ( il faudrait aller voir sur place pour constater ce qui s'est passé) et que les médias, à l'autre bout de la chaîne, répercutent à l'infini, transmettant le même message par delà leur diversité : il consiste à nous dire ce qui s'est "objectivement" passé. C'est ce que j'appelle la "construction de l'événement". Il n'y a en effet d'événement que construit et exprimé dans un discours car les faits ne parlent pas d'eux-mêmes. Or, si l'événement possède une concrétude incontestable, le regard posé sur lui est, par la force des choses, très variable, du fait de l'angle d'observation dont chacun dispose à partir de sa position (sociale, politique, économique...) dans la réalité. Chaque observateur ne peut ainsi avoir qu'une vision partielle (et partiale si elle se veut exclusive) de la réalité. Ce qui est problématique, en plus de cette relativité inévitable, c'est que le discours initial qui dévoile ce qui s'est passé - surtout quand il est monolithique - donne le ton du débat public et des réactions qu'il engendre, engageant ainsi la communauté de débat qu'est une société sur des voies qui peuvent être erronées. Le motif "communautaire"Ce qui m'intéresse dans l'affaire de Sisco, c'est la mise de fond terminologique initiale de l'AFP, qui nous a appris qu'il s'était produit là une "rixe communautaire", opposant donc "deux communautés". Pour quelqu'un qui a suivi de près le développement du phénomène antisémite en France depuis l'an 2000, un tel signal ne peut que faire "tilt". Je fais référence au terme de "communautaire" et de "communauté". Effectivement, au début des années 2000, après un an et demi de rétention d'informations sur plus de 500 actes antisémites ( à l'instigation du gouvernement Jospin, "pour ne pas jeter de l'huile sur le feu"- Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, alors, dixit), les médias qualifièrent ces agressions commises par des agresseurs de provenance musulmane, qu'ils soient maghrébins ou sub-sahariens, de "tensions inter-communautaires", là où la responsabilité était d'un seul côté  comme la police peut le confirmer (quand elle accepta d'enregistrer les plaintes, voire même des "mains courantes"), là où il y avait des actes antisémites. Pour ne pas identifier les agresseurs, les préserver donc, on compromit leurs victimes dans l'acte qu'elles subissaient, dans l'abandon  de l'opinion publique."Tensions inter-communautaires", c'était là un terme qui faisait violence à la réalité des faits. Il inventait une situation qui n'avait jamais existé car il n'y eut jamais d'agressions anti-musulmanes de la part de Juifs. Il impliquait de surcroît un jugement sous-jacent, occasionnant un glissement de sens. La "communauté juive" (une catégorie, au départ, très précise) se voyait mise en parallèle avec une supposée "communauté de l'immigration" (la plupart du temps jouissant d'une double nationalité et pas encore définie comme "communauté musulmane") et de ce fait, sortie de façon subreptice de la nationalité française. Le fait qu'elle se voyait de surcroît taxée elle-même d'agressivité  (tensions-inter-communautaire") et donc coupable d'infraction à la loi et à la République se vit renforcé quand le terme de "conflit importé" s'ajouta à celui de "tensions inter-communautaires", un conflit dans lequel l'AFP avait décidé - et décide toujours - que le coupable était le Juif israélien (retranchant au passage (ô progressisme!) les Arabes israéliens de la citoyenneté israélienne...). Le "conflit importé" devenait ainsi manifestement la poursuite d'un "conflit" étranger sur le sol français. La Palestine devînt l'écran de projection d'un problème français. Et on continue (le Quai d'Orsay, en tête) encore à croire en France que la guerre de l'Etat islamique découle de l'"occupation" israélienne...La société et l'Etat n'avaient plus qu'à assister passivement à l ...

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