Shmuel Trigano: de quoi la kippa est-elle le nom?

Le président du Consistoire de Marseille a eu un coup de génie médiatique et politique. Il a réussi à éveiller dans la classe politique française et le landernau institutionnel juif un sentiment, certes superficiel mais qui va au fond des choses, bien mieux que ne le feraient des études sophistiquées. En concentrant l'enjeu de la situation sur un objet simplissime et significatif, la Kippa, il a trouvé le code "publicitaire" qui pouvait faire entendre un message au bon moment, un moment charnière, en parfaite synchronisation avec la règle de communication de la société postmoderne...Ce message est simple. Il dit crûment et de façon simpliste ce que j'ai analysé de façon complexe, dans un livre, paru en 2006, L'avenir des Juifs de France (Grasset), à savoir que le modèle identitaire juif qui s'était mis en place en France depuis la deuxième guerre mondiale est caduc, parce qu'il n'est plus porté par la société française, mais aussi parce qu'il s'est décomposé dans la vie juive elle même. De ce point de vue, porter la kipa dans la rue devient le symbole de ce qui avait été défini dans les années 1970-1980 comme "le judaïsme dans la Cité", l'Âge d'or du judaïsme français. Pour pouvoir apprécier la réalité des choses, il ne faut pas se méprendre sur l'importance de la kippa. Elle n'est devenue que tardivement un symbole incontournable de religiosité. Selon le code de la loi juive (le Shoulkhan Aroukh), en effet, la porter ne relève pas d'un commandement (mitsva) mais d'une "coutume" (minhag). C'est en Israël qu'elle est devenue un signe d'appartenance identitaire, politique et idéologique. Sa forme, la matière dont elle est faite, sa couleur signalent une obédience sectorielle: ultra-orthodoxe, sioniste-religieuse, hassidique, etc. En France, la Kippa "dans la rue" en est venue aussi à être portée  comme un signe plus identitaire que "religieux": ce n'était plus exactement l'expression du "judaïsme dans la Cité", tout de même plus exigeant sur le plan de la verticalité et l'effort intellectuel. Parfois, même, le signe d'un judaïsme "hors la Cité"...Ne plus porter la kippa dans cette perspective, c'est entériner la caducité de cette identité. Sans "kippa", "le Roi est nu" désormais! L'effacement de la communauté juive devient manifeste. Otages symboliquesOr, le discours politique est en total porte-à faux avec cette réalité. La ministre de l'éducation peut toujours demander aux Juifs de porter la kippa, mais s'est-elle jamais rendu compte de ce qu'est devenue la vie juive en France depuis le milieu des années 1980 lorsque les Juifs commencèrent à être accusés de "communautarisme" et qu'ils devinrent les otages symboliques de l'incapacité de l'Etat à faire face au problème que pose l'islam à la République? Porter la kippa dans les milieux de l'éducation, de l'industrie, des médias, de l'université, suffisait et suffit à vous exclure en silence, voire dans le scandale. Point d'ailleurs n'est besoin d'un signe extérieur pour connaître la mise à l'écart des milieux publics, médiatiques, éditoriaux et professionnels pour les Juifs assumant leur identité sans dénoncer d'autres Juifs. C'est un véritable jeu de chaises musicales qui s'est mis en place depuis ...

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