France/Politique

Patrick Haddad : « L’action politique que j’ai essayé de mener à Sarcelles porte ses fruits »

ENTRETIEN Le maire de Sarcelles vient de publier un essai* dans lequel il analyse les raisons du vivre ensemble plutôt réussi qui fait de Sarcelles une figure d’exception parmi les villes de banlieue.


Vous faites le constat d’une ville qui, contrairement aux images souvent véhiculées, ne va pas si mal. Quelles sont les bonnes pratiques qui ont permis de faire de Sarcelles un modèle hors norme ?
Patrick Haddad : La conception même du grand ensemble de Sarcelles a joué un rôle majeur. Contrairement à d’autres banlieues où l’on a souvent construit à la va-vite des quartiers excentrés, on a créé et pensé ce grand ensemble comme une ville en soi avec une vraie ambition. Au-delà d’apporter une réponse à la problématique du logement dénoncée par l’abbé Pierre en 1954, il s’agissait de créer la ville du futur. Dans cet état d’esprit tourné vers l’avenir, on a pris en compte la nécessité pour les classes laborieuses d’avoir des logements de qualité et des infrastructures adaptées. Ce modèle de conception a facilité la vie en commun et favorisé le développement d’un sentiment égalitaire. L’autre raison tient au fait qu’étant une nouvelle ville, Sarcelles n’avait pas de population préexistante qui allait rejeter les nouveaux arrivants.
On a ainsi donné les clés d’une ville nouvelle à des habitants qui arrivaient du monde entier. Et c’est là le troisième phénomène, le fait qu’il y a une diversité de populations à Sarcelles que l’on ne retrouve pas ailleurs. Et le fait qu’il y ait « un peu tout le monde », engendre un rapport beaucoup plus riche à l’altérité. Mon ambition, depuis que je suis maire, est de renouer avec les racines fraternelles de la ville plutôt que de laisser la ville dériver vers un affrontement, même symbolique, entre les différentes composantes de la population. Chacun à sa place dans la société, c’est aussi le message qu’il faut inlassablement rappeler.


Les communautés vivent-elles ensemble ou les unes à côté, voire contre, les autres ?
P.H. : Sarcelles a été, à un moment donné, contaminée par l’importation du conflit israélien et les thématiques identitaires. Il fallait sortir de cet état d’esprit très négatif qui n’était pas fidèle à l’histoire de la ville. C’est toute l’action politique que j’ai essayé de mener et qui, à mon sens, porte ses fruits. Je dirais que le vivre-ensemble est partiel à travers certains équipements, telles la médiathèque ou des structures sportives. D’autres lieux sont plus communautaires, comme des écoles, des lieux de culte et des commerces ethniques. Il faut trouver la bonne alchimie. Garder des ponts, des projets communs, tout en respectant les rassemblements par affinité.


Vous écrivez que Sarcelles est émettrice et réceptrice de l’Alyah interne. C’est-à-dire ?
P.H. : Si des juifs ont décidé de quitter Sarcelles, d’autres ont aussi fait le choix de venir s’y installer. Il n’y a que dans les clichés antisémites que les juifs sont riches. Dans la vraie vie, celui qui ne l’est pas a aussi
le droit de vivre son judaïsme en toute tranquillité. Or, il n’y a pas tant d’endroits où le faire encore en Île-de-France. On voit ainsi des familles juives venir s’installer à Sarcelles aujourd’hui, notamment dans le village de Sarcelles. Et le développement de la communauté juive de Saint-Brice-sous-Forêt constitue une extension de la communauté de Sarcelles, comme on ne l’a sans doute jamais vu auparavant. Propos recueillis par Laëtitia Enriquez

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