Michaël Prazan : « Il est temps de réfléchir à la question de l’islam de France »
Actualite Juive : Quelle analyse faites-vous de cette irruption extraordinaire de la violence islamiste radicale en France ? Michaël Prazan : Nous sommes à mon avis dans un entre-deux à cheval sur, d’une part, des réseaux organisés qui parcourent l’histoire du terrorisme en France ces vingt dernières années (GIA, Al Qaïda, Daech) et qui constituent une nébuleuse avec laquelle ont frayé les auteurs des attentats, et d’autre part ce que l’on a pu appeler des « loups solitaires », c’est-à-dire des gens qui n’ont plus besoin de mot d’ordre en haut lieu et d’une organisation très complexe pour passer à l’acte. On est à mi-chemin entre l’organisation structurée et l’auto-radicalisation. Là où j’ai le sentiment qu’il y a un maître à penser derrière ces attaques, c’est la précision des cibles. Ce sont des cibles extrêmement symboliques qui ont été touchées. C’est d’ailleurs l’une des particularités du terrorisme d’évacuer l’être humain au profit d’une cible symbolique. Il y a une déshumanisation, une déréalisation nécessaire au passage à l’acte. La première cible, Charlie Hebdo, est en fait un règlement de comptes au long cours sur la question des caricatures publiées par le journal. Le message passé par les terroristes est le suivant : « Vous moquez le Prophète, vous n’en sortirez pas vivants. Même si le temps passe, même si les distances sont lointaines, vous finirez par mourir ». La seconde cible, ce sont les représentations les plus symboliques de l’Etat, c’est-à-dire la police. Enfin, bien sûr, toujours, les Juifs. Nous avons aussi trois cibles extrêmement fortes et symboliques qui, à mon sens, au regard du niveau intellectuel et culturel des terroristes, n’ont pu être initiées par eux seuls. A.J.: Comment cet islamisme radical s’est-il installé en France ? M. P. : Il y a un fil historique à tirer qui ne date pas d’hier et qu’on peut faire remonter aux ...