Juifs de France : le temps douloureux des remises en question
C’est un sentiment étrange. Les images des abris israéliens défilent sur les écrans de télévision, mais les Juifs de France ont la sensation dérangeante que c’est sous leur pied que le sol se dérobe. Que la violence est à leurs portes, qu’elle pourrait s’abattre demain sur les villes réputées tranquilles ou sur celles où le vent souffle depuis longtemps. L’impression est peut-être excessive. Peut-être. Mais la communauté juive s’enfonce dans une inquiétude profonde, entendue jusqu’aux plus hauts sommets de l’Etat. Cet Etat auquel ne croient plus tous ceux qui n’ont plus assez de souffle pour réclamer l’aide de la République, tous ceux qui partent en laissant derrière eux ce qu’ils croyaient presque éternel. Pour les autres, l’avenir s’inscrit souvent en pointillés, au moins dans les esprits. Shmuel Trigano est l’un des observateurs les plus exigeants des évolutions du judaïsme français. Depuis le déclenchement de la seconde Intifada en 2000, le sociologue décrit avec une minutie remarquable les ravages du nouvel antisémitisme. Pour lui, les graves incidents de Sarcelles dimanche dernier doivent être replacés dans une perspective longue. « Nous assistons depuis quatorze ans à une montée progressive de la violence à l’égard des Juifs » rappelle-t-il. « Elle a gagné depuis quelques mois la rue et touché tous les aspects de la vie juive : écoles, synagogues, cimetières, commerces, individus. C'est une violence purement raciste qui ne manque pas de prétextes pour faire violence aux Juifs parce qu'ils sont juifs. Elle n'est pas le produit de circonstances ».La thèse de l'importation du conflit à ParisLes « circonstances », ce sont les affrontements au Proche-Orient et ses retombées sur le paysage français. Lors de son interview télévisée du 14 juillet, François Hollande martelait son refus de voir la crise entre Israël et le Hamas avoir « des conséquences en France ». « Le conflit israélo-palestinien ne peut pas s’importer » ajoutait le président. La thèse de l’importation du ...
