Jamais sans ma kippa !
J’ai ôté ma kippa et coiffé une casquette, et la virgule Nike qui l’orne a mis un point final à mon signe ostentatoire de religiosité. Je n’étais plus agressif, je me fondais dans le paysage, je ressemblais à tout un chacun, à un Français moyen, comme tout le monde, en quelque sorte. J’étais enfin libre, je ne serais plus la risée de ceux qui se retournaient sur mon passage, je ne me sentais plus investi d’une mission, celle de donner l’exemple du Juif pieux. Je pouvais enfin traverser la rue au feu vert, rester assis dans le bus devant une vieille dame qui avait tout le mal du monde à rester debout, je pouvais enfin me permettre toutes les folies, je n’avais plus de signe distinctif, et je me demandais comment je n’avais pas pensé plus tôt à me libérer de ce carcan si lourd à porter. Et de plus, ce qui n’est pas le moindre des avantages, je me sentais enfin en sécurité. Quels ne furent donc pas mon étonnement, ma surprise, lorsque, au détour d’une rue, j’entendis : “ Sale Juif ”.Déception. Et alors que je constatais devant mon miroir que mon initiative n’avait servi à rien, je compris presque instantanément que ma barbe faisait désordre, qu’elle aussi était un signe ostentatoire, et qu’elle devenait donc l’objet de tous mes nouveaux tourments. Non sans quelques hésitations, je branchais mon rasoir, et le temps d’une prière à D’ieu, histoire de me faire pardonner, mais quelque peu rassuré à l’idée qu’il comprendrait ma démarche, sécurité oblige, je décollais cette masse de poils qui faisait part ...