Jacques Lewiner « Incitons nos jeunes à innover et à créer leur entreprise »

Combinaison subtile de génie créatif, d’élégance et d’humour, le physicien Jacques Lewiner est une personnalité emblématique du paysage français de l’innovation. Né en 1943 et caché dans une ferme du Cantal où sa famille juive polonaise s’était réfugiée, Jacques Lewiner a été fait chevalier de la Légion d’honneur en 2002, puis promu officier en janvier 2020. Pandémie oblige, la cérémonie s’est tenue au palais de l’Elysée plusieurs mois après, en septembre 2021, en présence du président Emmanuel Macron.Ce promoteur enthousiaste de l’écosystème israélien cite souvent le modèle du Technion en exemple aux médias et aux politiques. Jacques Lewiner a soutenu le développement de start-ups qui affichent plus d’un milliard et demi d’euros de chiffre d’affaires en dix ans. Ancien directeur scientifique de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris, il a transmis à ses étudiants la passion de la recherche et les a encouragés à déposer des brevets et à créer leur entreprise. Rencontre avec un esprit frondeur et pétillant, finaliste du prix de l’inventeur européen en 2018, qui s’est battu pour débloquer les verrous de la recherche française tout au long de sa carrière. Remontons dans le temps, pour commencer. Quel enfant étiez-vous ?Jacques Lewiner : Je posais beaucoup de questions, comme dans le sketch de Michel Boujenah « Dis pépé, d’où vient le vent ? » et cela épuisait mon entourage. Je demandais, par exemple, pourquoi le ciel était bleu et combien il y avait d’étoiles. Je faisais des expériences dans le jardin de notre petite maison à Boulogne. J’y avais disposé un système qui m’alertait lorsque ma mère revenait du travail. Quand j’ai construit et lancé des fusées, les voisins sont morts de peur. À l’école, je n’étais jamais en retard d’une pitrerie et j’adorais faire rire mes camarades. Qu’avez-vous créé en France ? J.L. : En France, dans le monde de la recherche, tout ce qui touchait au domaine économique était mal perçu. Voici une anecdote navrante, mais hélas véridique. La magnétorésistance géante qui permet la lecture des disques durs d'ordinateurs et qui a eu des applications industrielles considérables, a été découverte en 1987 par deux équipes indépendantes, celle d’Albert Fert en France et celle de Peter Grünberg, en Allemagne. La première, associée aux labos français de Thalès et du CNRS, ne déposa que peu de brevets. La seconde, au contraire, déposa de nombreux brevets. Les entreprises allemandes ont ainsi bénéficié des retombées industrielles de cette découverte, ce qui a été moins le cas pour les entreprises françaises. Il faut toutefois souligner qu’Albert Fert et Peter Grunberg se sont partagé le prix Nobel de physique en 2007.Le monde académique français était bardé de préjugés contre la valorisation industrielle. Seule la recherche fondamentale était noble. Jeune chercheur, je m’étais battu contre la bureaucratie et la paperasse car les chercheurs risquaient de voir leur invention copiée s’ils ne déposaient pas de brevet rapidement. J'ai construit un écosystème d’innovation à l’ESP-CI pour faciliter le transfert de technologie depuis les porteurs de projets académiques vers le monde industriel et la création de start-ups par des chercheurs. Ce modèle est devenu la norme dans beaucoup d'universités ou d'écoles. Jacques Biot, président de l'École polytechnique s’en est inspiré avec succès. On voit maintenant d’excellentes start-ups s’y développer. J'ai beaucoup aidé à créer des liens entre les écosystèmes académiques et industriels, alors que les grands organismes de recherche français préféraient accorder des licences de brevet et recevoir des royalties. En fait, les retombées économiques des royalties sont faibles face à celles des start-ups. Cette politique a été encouragée et aujourd’hui, on voit ...

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