Israël, pivot de l’entente d’Abraham ?
Entre pandémie du Covid et accords d’Abraham, la géopolitique du Moyen-Orient a été bouleversée en 2020.Dans un livre magistral et pédagogique, Le prophète et la pandémie, qui paraît chez Gallimard, le professeur Gilles Kepel dresse un portrait de cette nouvelle donne mondiale. Tour d’horizon planétaire. En quoi le Covid a–t-il redistribué les cartes géopolitiques ?Gilles Kepel : La conséquence première de la crise sanitaire a été, outre la pandémie, un arrêt total de l’économie mondiale. Lors du sommet OPEP + Russie de 2020, il avait été décidé d’augmenter la production de pétrole pour faire baisser les prix et, ainsi, faire sortir les producteurs américains – qui exportent beaucoup – du marché.Mais l’OPEP n’avait pas anticipé le Covid, qui a vu le baril de pétrole passer à -36 $, ce qui n’était jamais arrivé. Et donc ?G.K. : Donc, cette spirale incontrôlable a limité for-tement le rôle du pétrole comme arme géopolitique aux mains des Arabes et des Russes. Les pays du pétrole sont coincés dans la rente pétrolière qui va continuer à baisser.Leur système s’effondre. S’ils souhaitent investir dans de nouvelles technologies, comme l’hydrogène vert, ils doivent se tourner vers Israël qui a les technologies. Avec Israël, c’est un échange, Israël apporte les technologies, Abou Dhabi, le premier à signer la paix, les montagnes de cash pour les développer. Le Covid a précipité cette prise de conscience.La pandémie a, par ailleurs, provoqué une disrup-tion au sein de l’Islam. L’Iran n’a pu supprimer les grands pèlerinages chiites, qui ont provoqué d’énormes clusters et de nombreux morts, alors que l’Arabie saoudite a fortement limité les pèleri-nages sunnites. Erdogan, quant à lui, en a profité pour réislamiser Sainte-Sophie, et tente ainsi de damer le pion aux Saoudiens pour le leadership sur l’islam mondial. Se trouve-t-on, dans un parallèle avec les prémices de la Première Guerre mondiale, avec ...
