Frédéric Encel : « La nature de la puissance de l’État reste considérable »
Avec Les Voies de la puissance (Odile Jacob, 2022), Frédéric Encel nous éclaire sur les enjeux géopolitiques contemporains. Destiné à devenir un classique, cet essai percutant et indispensable, déjà Prix du livre géopolitique 2022 (remis le 9 mars au quai d’Orsay par son président d’honneur, Jean-Yves Le Drian), permet de comprendre les grandes orientations stratégiques de notre monde. Questions d'actualité, et de fond, à l’auteur.Pourquoi choisir de publier un ouvrage autour du concept de puissance ?Frédéric Encel : Parce que celui-ci est négligé, rejeté ou galvaudé, depuis plusieurs décennies, en Europe au moins ! Vous savez, c’est comme s’il s’agissait d’un terme performativement négatif ; la quête de puissance représenterait nécessairement une volonté impérialiste. Or la puissance – cette capacité à agir de façon relativement ou parfaitement souveraine – comme tout autre chose, permet ce qu’on veut bien en faire, y compris du développement, de la protection, de la concertation. Lors du déclenchement de la guerre en Ukraine, Emmanuel Macron a bien rappelé une réalité absolument fondamentale : l’Histoire est tragique. D’où la nécessité vitale d’une Europe…-puissance.Contrairement à ce que l’on croit souvent, les critères qui fondent la puissance ont peu évolué avec le temps. Comment peut-on l’expliquer ? FE. :Empiriquement, car ils fonctionnent ! Le hard power, la capacité d’exercer par la violence une coercition afin d’imposer sa volonté, voilà un modus operandi qui marche hélas fort bien. Inversons le postulat : il n’est de véritable puissance globale sans une force armée quantitativement et qualitativement crédible. Cela dit, si une entité politique n’arbore que cela, elle ne pourra prétendre à la puissance. Les ressources économiques et énergétiques, la valorisation du savoir, un minimum de cohésion ...