FACE-A-FACE EXCLUSIF : Haïm Nisenbaum / Jean-François Bensahel

En marge de la décision de la Cour suprême d’autoriser en Israël les conversions par les mouvements juifs libéraux et massorti, Actualité Juive a donné la parole à Haïm Nisenbaum, porte-parole du Beth Loubavitch et Jean-François Bensahel, président de JEM (Judaïsme en mouvement), fédérant le MJLF et l’ULIF Copernic. Jean-François Bensahel, pourquoi avoir employé le terme de « tremblement de terre » suite à la décision de la Cour suprême ?Jean-François Bensahel : C’est tout au moins ce qu’ont ressenti certains partis politiques ou mouvements religieux israéliens. Mais la réalité est bien différente. De combien de personnes parlons-nous au juste ? Quelques dizaines, à la limite quelques petites centaines. Ce n’est donc pas sur le plan objectif un séisme, mais sur le plan symbolique, oui. C’est la raison pour laquelle cette décision de justice rencontre une audience considérable et suscite des invectives nourries. À tort ou à raison, on voit là l’amorce d’un processus permettant de reconnaître, en Israël, d’autres formes de judaïsme que le judaïsme orthodoxe, ce qui explique que des partis politiques aient promis, dans l’hypothèse où ils siégeraient dans une future coalition, de revenir sur ces dispositifs. Haïm NIisenbaum : Demander s’il s’agit d’un séisme, c’est, selon moi, aborder la question de façon pernicieuse. Un tremblement de terre, ce n’est pas cela ! C’est destructeur… En l’occurrence, qu’avons-nous détruit, qu’avons-nous construit ? Une conversion réalisée à l’étranger par le mouvement libéral ou par le mouvement massorti était déjà validée lors de l’arrivée en Eretz Israël. La question soulevée n’est donc pas véritablement pratique, mais théorique. Comment se formule cette question ? H.N. : C’est très simple : « Y a-t-il un seul judaïsme, ou plusieurs ? ». Un juif peut choisir un chemin d’observance stricte et rigoureuse ou, au contraire, tout aussi légitimement, une observance légère, voire épisodique. Néanmoins, en dépit de ces différences d’approches observables, il n’existe qu’un judaïsme, tel que défini par la Torah. Il existe un cadre général qui définit ce qu’est le judaïsme : la Halakha. Elle fixe les principes de raisonnement et de décision. Ce qui est dans la Halakha appartient au judaïsme. On peut bien sûr en sortir, et l’on ne cesse pas pour autant d’être juif. La Halakha apparaît d’un point de vue extérieur comme étant extrêmement figée ; en fait, il n’en est rien, comme son nom l’indique, la Halakha évolue, « avance ». Dans le cadre fixé par la Halakha, on ne cesse d’appliquer les procédures de révision voulues. J.-F.B. : Vous avez raison, dans le grand ensemble qu’est la Halakha, il y a deux grandes sensibilités, celle de Hillel et celle de Shamaï, et il n’y a pas de synthèse entre elles ; certains sont plutôt pour une attitude consistant à avancer, d’autres en tiennent pour une certaine fixité. Il me semble néanmoins qu’à ce stade de notre débat, il n’est pas possible de faire l’impasse sur la situation israélienne dans ce qu’elle a de spécifique. La Loi du Retour permettait à des convertis, libéraux ou mas-sorti, à l’étranger, d’avoir accès à la citoyenneté israélienne une fois leur Alyah accomplie ; mais elle l’interdisait à ceux qui, en Israël, avaient accompli le même parcours de conversion. Ce qui est en jeu, c’est de reconnaître que les non-juifs qui vivent en Israël, et qui se convertissent sous des auspices non orthodoxes, puissent bénéficier de la Loi du Retour, à savoir, obtenir la citoyenneté israélienne. H.N. : Avant de vous répondre sur ce point, j’aimerais revenir sur ce que vous dites de la « dualité » du judaïsme, Hillel en champion du progrès, Shamaï en tenant de l’immobilisme. En fait, celui qui résume les choses ainsi se tient très à distance du Talmud. Pourquoi ?H.N. : Car Hillel et Shamaï ont deux visions d’une même Halakha, l’un évolue de façon « souple », l’autre évolue de façon plus « rigoriste ». J.-F.B. : Mais quand on lit le Talmud, traité Chabbat (31a), ce n’est pas ce qu’on voit ! Hillel a converti un homme pendant qu’il se tenait sur un seul pied. Allons nous dire qu’il ne respectait pas la Halakha ? Ce qui est sûr, c’est que l’histoire avance par zigzags et le mouvement libéral, depuis trois ou quatre décennies, s’est profondément recentré. H.N. : Il faut laisser Hillel en paix ! Précisons qu’il n’a jamais converti un homme sur un pied, il lui a seulement dit, sur un pied, que l’amour du prochain est le cœur de toute la Torah et que, pour le reste, il faut étudier ! On est vraiment bien loin d’un renoncement à la Halakha. En fait, à partir du moment où l’on sort de la Halakha, tout devient possible, y compris ce que la Torah proscrit explicitement. Concernant Israël, la question ultime est que la Cour suprême intervient sur un sujet ô combien sensible : « quelle est la définition d’un juif ? ». Nous sommes, hors d’Israël, tous concernés par ricochet. Un non-juif qui viendrait et dirait « j’accepte tous les ...

Vous devez être connecté(e)(s) pour accéder au contenu du journal

Je me connecte

Supplément du journal

Petites annonces

Votre annonce ici ? Ajouter mon annonce

Publicités

Bouton retour en haut de la page

Vous ne pouvez pas copier le contenu de cette page