Djihad, antisémitisme: l’Occident va-t-il enfin ouvrir les yeux? Par Shmuel Trigano

La récente aggravation de la situation sécuritaire française, depuis l'intervention armée contre l'Etat islamique - une entrée en guerre - et l'égorgement d'Hervé Gourdel, pourrait avoir des conséquences sur la gestion (très profondément défaillante, stratégiquement parlant) du phénomène antisémite par le gouvernement français. Rappelons qu'il y a fait face jusqu'à ce jour sur la base de deux erreurs d'appréciation. Le système du mensongeLa première erreur de jugement concerne la définition du fait lui même, qu'il s'agit de réprimer et d'éradiquer, une erreur déterminante car génératrice d'une kyrielle de méprises.  Les leaders français, sur ce plan là - il faut reconnaître -, sont prisonniers de l'enfumage idéologique provenant des médias et des leaders d'opinion qui fait accroire que le fait antisémite n'a pas ses origines en France mais qu'il est la conséquence d'un "conflit importé". Si tel est le cas - ainsi procède ce raisonnement défaillant -  puisque la France n'est pas concernée dans sa réalité, puisque les agresseurs viennent de milieux musulmans (Merah, Nemmouche, etc) et qu'ils ne s'en prennent qu'aux Juifs (au nom de la cause palestinienne et de l'islam), c'est (donc) la politique israélienne qui en est la cause. Elle entraîne l'ire de milieux musulmans français qui exprimeraient leur exaspération à l'encontre les Juifs français. C'est cette "compréhension" (qu'avait notamment bien exprimée Hubert Védrine en 2001) et cette justification morale de la raison[1] avouée des violences qui a légitimé l'antisionisme et fait que l'hostilité obsessionnelle envers Israël est devenue le cheval de Troie du nouvel antisémitisme. L'antisionisme est  tenu pour une opinion légitime de sorte qu'"il n'y a pas d'antisémitisme"[2]. C'est la politique condamnable d'Israël envers les Palestiniens qui est tenue pour être à la source des violences en France parce que - autre principe a priori - les Palestiniens - "le peuple en danger" - sont innocents. Personne ne s'étonne cependant de ce que des musulmans - qui ne sont pas des "Palestiniens" mais des Français - se retournent contre certains de leurs concitoyens, des Juifs - qui ne sont pas des Israéliens/des" colons".C'est ce qui a décidé du deuxième leurre interprétatif: ce "conflit importé" (donc non français) provoque des "tensions inter-communautaires". Il concerne des "communautés" étrangères à la France qui se livreraient combat sur le sol français devant une société française spectatrice. Ce n'est donc pas de l'antisémitisme car les deux protagonistes sont répréhensibles: il n'y a donc ni victimes ni coupables.Les conséquences de ce jugement sont triples pour les Juifs et gravissimes. Déni il y a de la condition de victimes des Juifs qui ont subi des agressions en grand nombre sur 14 ans et qui pourraient en subir à l'avenir (ce sur quoi tout le monde s'accorde). Culpabilisation il y a des Juifs, identifiés à leurs agresseurs, aussi coupables qu'eux, alors il n'y a de victimes que juives parce que les Juifs n'ont jamais agressé personne. La conséquence la plus grave pour les Juifs est cependant la dénationalisation rampante, ou à tout le moins l"allogénïsation", pour eux qui ne sont ni de récents immigrés ni des doubles nationaux (de pays en guerre contre Israël[3] ) et dont la religion s'est réformée en 1807 pour entrer dans le cadre national. Le début de la débandade rhétoriqueLà où ce système symbolique d'externalisation extra-française du fait antisémite atteint sa limite de validité,  c'est quand la menace qui était, semblait-il, circonscrite aux Juifs et localisée en Israël, s'étend désormais à toute la société française et en France: lorsque les "jeunes des banlieues" ("chômeurs", choqués de ce qu'Israël fait aux "enfants de Gaza" - dixit Merah-, etc)  partent pour le Jihad et en reviennent. Nous assistons alors à l'avènement d'un nouvel âge du "narratif" journalistique pour rendre compte d'une situation qui met à mal le leurre des "tensions inter-communautaires". Soudain il apparaît que le problème, ce n'est plus "Gaza" ni le pauvre "peuple palestinien" mais l'islam et le jihad en guerre contre les "judéo-chrétiens". L'enfumage  médiatique se réajuste à la nouvelle donne: soudain les agresseurs de toujours (depuis les années 2000) deviennent non plus des "communautaristes" (en lutte avec d'autres "communautaristes " juifs) mais des "Français". L'insistance mise par les journalistes sur la qualité de "français" des jihadistes de retour tranche en effet sur la règle de langage précédente. Elle signifie que, face à des terroristes capables de frapper la France, et donc bien plus que les seuls Juifs, on ne parle plus de "tensions intercommunautaires" (un terme qui excluait les victimes juives de la communauté nationale et les culpabilisait), ni de "conflit importé" mais on emploie un terme qui réintègre les assassins à la francité.Cela voudrait dire aussi qu'il n'y a plus de "conflit importé", à savoir que la guerre civile syrienne et le jihad en Irak ne sont pas tenus pour des "conflits" qui s'importent en France.  Ici, les médias veillent à ce que des assassins qui ont trahi le pacte de la citoyenneté soient précisément, en tant que tels, qualifiés de "Français", comme pour surenchérir et casser le sentiment que ce développement pourrait induire dans les consciences, concernant la responsabilité du monde musulman mais aussi le fait que l'antisémitisme est un phénomène bien français, puisque les Merah et Nemmouche sont réidentifiés comme "français". En somme, on intégre le jihadisme dans la francité[4] pour lui faire face et le combattre tandis qu'on en a exclu subrepticement ("tension intercommunautaire", "culpabilité" d'Israël), ou ouvertement depuis peu (voir nos chroniques[5]), la judéïté, pour (ne pas) faire face et (ne pas) combattre l'antisémitisme. Toute une terminologie "romantique" et fallacieuse en naît: "loups solitaires", "enfants perdus du Jihad", abusés par des mouvements "sectaires" - dixit "l'anthropologue Dounia Bouzar" sur tous les plateaux médiatiques, etc. Du coup, le fait qu'ils prennent toujours les Juifs comme cible principale et primordiale (à preuve Nemmouche de retour de Syrie) disparaît encore plus de la conscience. La cause efficiente Cela nous ramène à la cause efficiente[6] de cette direction de langage ("éléments de langage" est la nouvelle formule) que nous avons analysée et qui fonde la compréhension et la stratégie du leadership politique français, à savoir le "politiquement correct" concernant l'islam. La haute voltige rhétorique et oratoire que nous avons identifiée ne s'explique en effet que dans la finalité d'éviter de faire mention de l'islam dans des affaires où il constitue manifestement la motivation majeure (et fondée sur le texte coranique), que ceux qui l'invoquent pour perpétrer leurs méfaits soient reconnus ou pas par d'autres secteurs de l'opinion musulmane (dont personne ne doute qu'ils existent). En effet, les faits internationaux, démontrent avec force que "la religion de la paix" est la cause invoquée de très nombreuses violences sur toute la planète (Asie du sud, Chine, Russie, Afrique, etc). Pourquoi le constater objectivement est-il objet de censure et de délégitimation[7]?Le fait qu'une telle attitude contraste avec la violence débridée des jugements concernant  Israël et les Juifs qui, eux, ne bénéficient d'aucune restriction mentale, signifie que ce syndrome du politiquement correct joue un rôle déterminant dans l'escamotage de la nature de l'antisémitisme[8]. Elle occulte le fait que la haine des Juifs n'est pas motivée par la "politique d'Israël", les "colons juifs", "l'agressivité de la communauté juive", "la radicalisation des jeunes juifs" et aut ...

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