Danny Trom « La lutte contre le capitalisme a pris des expressions hostiles aux juifs »
Le directeur adjoint de la revue K, les Juifs, l'Europe, le XXe siècle, spécialiste de la question juive en politique*, analyse la façon dont la gauche s'est souvent retrouvée prise dans ses contradictions. Le rejet de l’antisémitisme a été un des fondements de la gauche depuis qu’elle existe. À quel moment les choses ont-elles basculé ? Danny Trom : Les choses ne sont pas si simples, mais il est exact que la lutte contre l'antisémitisme s'est historiquement ancrée à gauche. La République a émancipé les juifs et, longtemps, les républicains formèrent ce qui est appelé aujourd'hui la gauche, face aux monarchistes et autres nostalgiques de l'Ancien Régime. Mais la gauche a aussi sécrété une forme spécifique d'antisémitisme. Très tôt, la lutte contre le capitalisme a pu prendre des expressions hostiles aux juifs. C'est alors que nos repères se brouillent. Des personnages comme Alphonse Toussenel (1803-1885) ou Édouard Drumont (1844-1917) étaient par certains côtés des progressistes. Ils ciblaient les juifs non pas parce que ces derniers sapent l'ordre traditionnel, mais parce qu'ils oppriment le peuple. C'est un antisémitisme populaire, démocratique en somme. Un antisémitisme qui s'inscrit dans le mouvement social. Et pendant l'affaire Dreyfus, ce n'est pas la gauche dans sa totalité qui s'est engagée dans le combat pour Dreyfus. Beaucoup furent hésitants ou s'y refusèrent car la seule lutte qui leur importait était la lutte des classes. L'antisémitisme leur était acceptable s'il servait les objectifs de la classe ouvrière. On reconnaît, dans ce raisonnement, des tendances qui traversent la gauche française actuelle. Ceci est vécu très douloureusement par les juifs de gauche depuis au moins deux décennies. Les juifs représent ...
