Claude Lanzmann, la mémoire à vif

« C’est un type trop grand pour notre temps. Une sorte de géant ». Claude Lanzmann est mort il y a déjà quelques jours mais Juliette Simont évoque encore parfois son ami au temps présent. Directrice adjointe des « Temps modernes », cette spécialiste de la pensée sartrienne est l’une des intimes du journaliste et cinéaste disparu le 5 juillet. Quelle facette retiendra-t-elle de cette personnalité « bigger than life » : le maître d’œuvre du « monument » de mémoire orale que représente « Shoah » ? Le philosophe marqué par l’existentialisme ? Le portraitiste flamboyant  des années « Elle », à moins que ce ne soit la plume de l’écrivain orfèvre célébrée pour son « Lièvre de Patagonie » ? Temps d’hésitation. « Claude était un tout », corrige la directrice d’un beau livre collectif paru l’an dernier chez Gallimard, « Claude Lanzmann, un voyant dans le siècle ». « Mais peut-être choisirais-je sa liberté incroyable. Il s’est inventé, s’est tiré de son propre fonds. Tout cela est très sartrien ».   Jean-Paul Sartre, point de départ naturel pour tenter de saisir les vertiges d’une existence vécue à la vitesse des bolides qu’il aimait tant conduire, repassant son code de la route seize fois pour l’obtenir la fois suivante. Le jeune Claude a 18 ans lorsqu’il découvre « L’Etre et le Néant », paru en 1943, par l’intermédiaire du futur épistémologue, Gilles-Gaston Granger. « Tu dois le lire d’urgence », lui ordonne son condisciple dans ces années de résistance au lycée de Clermont-Ferrand. « Ce texte apparaissait comme un livre de philosophie pure pour les Allemands. Mais pour les jeunes, c’était un livre politique sur la liberté », explique Juliette Simont. Le choc de « Réflexions sur la question juive » Claude Lanzmann n’a toujours pas rencontré Jean-Paul Sartre lorsqu’il découvre « Réflexions sur la question juive ». Nous sommes en 1947 et c’est un nouveau coup de tonnerre pour le petit-fils d’immigrés juifs biélorusse, éduqué dans un milieu athée. « Quand je lus […] les Réflexions sur la question juive, je dévorai d’abord le « Portrait de l’antisémite », me sentant littéralement revivre à chacune de ses lignes ou, pour être plus précis, autorisé à vivre », raconte-t-il dans « Le Lièvre de Patagonie». « Mais je tombai plus loin sur la description de ce que Sartre nomme l’inauthenticité juive et c’était soudain mon portrait à moi, brossé et dressé de pied en cap, que je découvrais avec une émotion d’autant plus grande que, si Sartre, le plus grand écrivain français, nous comprenait comme personne ne l’avait jamais fait, il ne condamnait jamais ». « Pour Claude, ce livre a été quelque chose de complètement libérateur », confirme Juliette Simont. Son adhésion à la thèse sartrienne du juif façonné par le regard de l’ ...

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