Cécile Alduy: « Marine Le Pen a réalisé une OPA sémantique sur le vocabulaire républicain »
Actualité Juive : Dans quelle mesure la parole a constitué un élément déterminant dans l’histoire et la médiatisation des idées du Front National ? Cécile Alduy : Dès la fin des années 70, le Front National a consciemment placé son combat sur le terrain de la bataille des mots. Ses leaders s’inspirent explicitement (et paradoxalement) de la théorie de l’hégémonie culturelle du théoricien communiste italien Antonio Gramsci. Comme le dit Jean-Marie Le Pen dans son discours du 1er mai 2007 : « C’est l’écrivain communiste italien Gramsci qui a écrit : les victoires idéologiques précèdent les victoires électorales ». Autrement dit, il faut d’abord imposer ses thématiques et son vocabulaire, dans le débat public… ce qu’a fait sans conteste Jean-Marie Le Pen avec le thème de l’immigration-insécurité et la critique de l’Europe comme anti-démocratique. L’autre point de ce rapport particulier au langage, c’est la stratégie médiatique de Jean-Marie Le Pen. Dans son interview de Rivarol du 9 avril 2015, il a cette phrase révélatrice de toute sa carrière politique : « Peu importe que l’on parle de nous en bien ou en mal. L’essentiel, c’est qu’on en parle ! Il faut exister politiquement ».A.J.: Les spécialistes du Front national ont souligné la continuité stratégique entre Bruno Mégret et Marine Le Pen, en particulier en matière de maillage du territoire. Vous montrez dans votre livre qu’il en va de même en matière de rénovation rhétorique, Marine Le Pen allant même un peu plus loin dans ce que vous qualifiez de « guerre du vocabulaire ».C. A. : Mégret et Jean-Yves Le Gallou ont mené un travail extrêmement précis sur la bataille du vocabulaire dans les années 90, enjoignant aux militants de remplacer « classes » par « masses », « universalisme » par « cosmopolitisme » ou « associations antiracisme » par « lobby antiracisme » par exemple. L’enjeu était de changer les termes du débat à leur prof ...
