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Ce que l’on sait de la mort de Jérémy Cohen

Ce qu’il est désormais convenu d’appeler « l’affaire Jérémy Cohen » bouleverse autant qu’elle ravive, au sein de la communauté juive notamment, d’anciennes blessures. Tout comme Sarah Halimi, ce jeune homme de 31 ans a été tué à la veille d’une élection présidentielle, dans des circonstances qui auraient pu ne pas être établies, si sa famille n’avait pas décidé de s’emparer de l’enquête.

Que sait-on des faits ?

Mercredi 16 février 2022, peu après vingt heures, Jérémy Cohen se trouve sur l’avenue Jean-Jaurès, à Bobigny, entre les stations La Ferme et Libération quand il se retrouve pris à partie ou tombé dans un guet-apens par une bande de voyous qui le tabassent sauvagement. Dans sa course pour s’enfuir, il traverse à toute vitesse les rails du tramway. Le T1 le percute. Transporté dans un état grave, il décède quelques heures plus tard à l’hôpital. À ses parents, les médecins et la police expliqueront que Jérémy courait entre les voitures, sans doute poursuivi et qu’il avait été victime d’un accident de la circulation. Comme dans toute affaire d’accident de la route, une enquête pour homicide involontaire est ouverte à l’encontre du chauffeur. Dès le lendemain, l’édition locale du journal Le Parisien écrit « qu’un piéton (est décédé) après avoir été heurté par un tramway ». Il n’est nullement question, dans cet article, de la rixe qui a précédé et conduit à l’accident. Quelques jours plus tard, l’enquêtrice du commissariat de Bobigny reçoit la mère et le frère de Jérémy Cohen. Elle leur annonce que l’enquête s’oriente vers un accident de la route et que le dossier sera rapidement clôturé, avant même d’avoir analysé les films de caméras de vidéo surveillance. Étonnés par cette annonce et par le flou qui entourent les circonstances exactes de sa mort (Jérémy n’avait pas l’habitude de courir, compte tenu de son état physique et de son léger handicap mental), les frères Cohen décident de mener eux-mêmes l’enquête en se rendant sur les lieux du drame et en déposant des affiches d’appel à témoins dans toutes les boîtes aux lettres des immeubles situés aux abords de l’avenue Jean-Jaurès. C’est ainsi qu’ils sont rappelés quelques jours plus tard et qu’ils récupèrent la vidéo filmée par des touristes depuis un immeuble situé en face. Vidéo qui, malgré sa mauvaise qualité, relate de manière explicite le déroulé des faits.

Pourquoi l’affaire n’est-elle connue qu’aujourd’hui ?

Près de six semaines se sont écoulées entre la mort de Jérémy Cohen et la connaissance de cette affaire par le public. Jérémy Cohen a été enterré en Israël. Ce n’est qu’à son retour en France que la famille est allée à la recherche des informations que la police aurait dû recueillir si elle avait réalisé son enquête de voisinage correctement. Une fois en possession de ces éléments, la famille Cohen les alentours de la mi-mars – à la police et à la justice. Peut-être souffrait-elle du silence fait autour de ce drame atroce ? Ainsi décida-t-elle d’alerter les médias en relatant les faits sur les ondes de Radio Chalom, jeudi 31 mars. En appelant d’autres témoins à se faire connaître. Et en se rapprochant du candidat à la présidentielle Éric Zemmour dans l’espoir que son intervention permettrait de relancer l’enquête.

Les interrogations autour de la vidéo ?

Dans ses interventions à la presse, la famille Cohen a indiqué avoir obtenu ce film amateur à la suite de son appel à témoins et l’avoir transmis à la police, à la justice et à ses avocats qui l’ont porté au dossier à la date du 14 mars. Dans sa conférence de presse, mardi dernier, le procureur de Bobigny, Éric Mathais, a indiqué que cette vidéo avait déjà été transmise au commissariat le 10 mars. « Avisé le 11 mars, le parquet ordonnait la poursuite des investigations dans le cadre d’une enquête pour violences volontaires en réunion », a-t-il aussi précisé. Diffusée à partir du 1er avril sur les réseaux sociaux, cette vidéo, extrêmement choquante, est devenue virale. La famille a regretté qu’elle soit mise
en ligne – nul ne sait encore par qui à l’origine – par respect pour la mémoire de son fils.

S’agit-il d’un acte antisémite ?

« Aucun élément ne permet certitude que la victime était porteuse de manière apparente ou non d’une kippa au moment de la scène de violence », a rappelé le procureur lors de sa conférence de presse. Pour autant, « les investigations placées sous l’autorité d’un juge d’instruction vont se concentrer sur la recherche d’images ou de témoignages permettant d’établir la vérité », a-t-il ajouté. Une kippa blanche faisait partie des affaires que Jérémy avait sur lui au moment de son agression. Peut-être sur sa tête. Sans doute dans sa poche. Nul ne le sait encore.

Comment l’affaire est devenue politique ?

C’est visiblement en direct, sur le plateau de BFM, lundi soir, que Franck Serfaty, avocat du père de Jérémy Cohen, apprend que son client avait demandé à Éric Zemmour de l’aider dans le cadre de l’enquête afin que celle-ci ne « soit pas fermée ou étouffée ». Il est probable que l’affaire n’aurait pas connu un tel écho si le candidat d’extrême droite n’avait pas publié plusieurs tweets sur le sujet dans la même journée.
L’avocat tient, alors, à préciser « qu’il existe en France un principe de séparation des pouvoirs. Ce ne peut donc être un homme politique qui va régler le problème de la famille ». Une déclaration qui lui vau-dra, malgré la qualité et le sang-froid de ses interventions, un lynchage sur les ré-seaux sociaux. Ses détracteurs avancent, entre autres, qu’il est conseiller d’arrondissement LR. Ils témoignent également de leur soutien à Éric Zemmour, avec des arguments plus ou moins fantasmés et pour certains, anachroniques, donnant à cette affaire une tournure politique explosive, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle.
Tentative de récupération ? Il faut rappeler que le vote pour Éric Zemmour divise la communauté juive. Déclarer sur TF1, lundi soir, que le premier geste qu’il ferait, s’il était élu, serait d’aller voir la famille de Jérémy Cohen, n’était bien sûr pas hasardeux, mais réfléchi.

Page réalisée par Laëtitia Enriquez

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