Boris Cyrulnik « Nous allons devoir apprendre à vivre avec le virus »
La situation sanitaire, le confinement et la récession économique ont provoqué une usure psychologique et sociale chez nombre de Français. Comment le neuropsychiatre et écrivain Boris Cyrulnik, spécialiste de la résilience, analyse-t-il la situation ? Actualité Juive : Depuis le début de la crise sanitaire, les conséquences économiques désastreuses sont très souvent évoquées, mais on parle moins des dégâts psychologiques pourtant bien présents…Boris Cyrulnik : Chaque fois qu’il y a une période de catastrophe, il y a des dégâts psychologiques. Si on reste dans le chaos sanitaire, économique et psychologique, il y aura énormément de dégâts durables. Mais souvent ces périodes sont l’occasion de redécouvrir d’autres directions. Si ce chaos réorganise une nouvelle direction, une partie des troubles psychologiques disparaîtra comme dans un processus de résilience, mais si on ne fait rien, alors il y aura beaucoup de dégâts. Lorsque vous parlez de changement de direction, parlez-vous en fait d’un changement de civilisation ? B.C. : Tout à fait. La maladie en elle-même, sur le plan biologique, ce n’est rien. Ce virus est une production de notre civilisation, je dirais même de la civilisation, depuis les Athéniens. A travers tout le Moyen Âge, il y a eu des épidémies de virus et de bacilles répétitives. Il y avait une nouvelle épidémie tous les ans, provoquée par la surconsommation et la sur circulation. Dans notre civilisation, ce qui a provoqué le virus est le sprint social, le sprint de l’argent, de la réussite sociale et scolaire. Aujourd’hui, c’est l’école et les diplômes qui font la réussite et la hiérarchie sociale. Ce sprint-là a dilué les liens de la famille et a rendu vulnérable une grande partie de la population. En 2020, c’est également notre civilisation du sprint qui a créé le Covid-19 et sa pandémie rapide sur la planète entière. L’effondrement est la conséquence ...
