Annette Wieviorka : « Le nouvel antisémitisme est un antisémitisme rédempteur »
Actualité Juive: Pourquoi avoir décidé de traiter de la découverte des camps par les Alliés à travers le prisme de Meyer Levin et d’Eric Schwab ?Annette Wieviorka : Cela permettait de revenir à ce moment-même de la découverte en entrant en quelque sorte assise dans la Jeep de ces correspondants de guerre. Il y a trois sièges dans une Jeep. Deux étaient occupés par Meyer Levin et Eric Schwab et je me suis glissée sur le troisième. J’ai ainsi pu traiter tout à la fois de la question juive si peu abordée dans la presse. Levin était lui-même obsédé par le sort des Juifs d’Europe ; il parlera de sa « manie juive ». Et cela me permettait, à travers Schwab qui travaillait pour l’AFP tout en recherchant sa mère dans les camps, de traiter davantage le côté français. A.J.: Les Américains ont très vite souhaité montré l’ampleur du crime nazi aux populations allemandes et à leurs dirigeants locaux. Quelle était la fonction de ces visites qui ont débuté à Ohrdruf ? A.W. : Ohrdruf a été le premier camp découvert. L’armée américaine, Levin et Schwab, y découvrent des cadavres et des charniers. En dehors des détenus qui se sont évadés, le camp n’est en effet pas habité. Et c’est à Ohrdruf qu’est prise la décision par les plus hautes autorités militaires américaines de faire visiter le camp d’abord par les notables, le maire d’Ohrdruf notamment, les populations ensuite, puis d’organiser une opération de médiatisation c’est-à-dire une opération pour montrer Ohrdruf au monde entier. Cela a lieu le 12 avril, soit le jour de la mort de Franklin D. Roosevelt et le lendemain de la libération de Buchenwald.Dans le monde occidental, il y a eu un moment « d’effraction généralisée de l’horreur », selon l’expression d’Ophir Levy. Pendant deux à trois mois, la criminalité nazie a été exposée, dans la visibilité de son horreur, très largement dans les médias français, anglais et américains : presse écrite, où la photographie a jou ...
