Anne Berest « Dire qu’on est juif c’est se mettre en danger »
La carte postale qui figure parmi les livres événements de cette rentrée est un livre qu’il faut absolument lire. En cherchant à retrouver celui qui, il y a plusieurs années, avait envoyé à sa famille une carte postale anonyme portant uniquement les prénoms de ses arrière-grands-parents, grand-oncle et grand-tante morts à Auschwitz, l’auteure dénoue aussi les fils de son identité complexe. Ce roman, dites-vous, est aussi une quête initiatique sur la signification du mot «Juif » dans une vie laïque. Qu’est-ce que l’écriture de ce livre a-t-elle changé dans l'approche de votre judéité ? Anne Berest - Il y a un avant et un après ce livre. Cela faisait longtemps que je me posais beaucoup de questions autour de ce mot, juif, qui était pour moi un mot à la fois étrange et étranger. Je savais qu’il me désignait mais je ne comprenais pas pourquoi puisque j’ai été élevée par des parents laïcs pour lesquels la religion n’avait pas de place au sein du foyer. Ce livre m’a permis à l’âge de quarante ans de faire un point sur toutes les réflexions que j’avais accumulées en moi et de me dire que j’allais prendre le temps de comprendre quelle est ma réponse à ce que signifie, pour moi, qu’être juif.Cette réponse a plusieurs facettes. Le livre de Nathalie Zajde, Enfants de survivants, m’a beaucoup aidée à y répondre. J’ai compris qu’être petits-enfants de survivants est une des facettes de ma judéité et caractérise mon rapport au monde. J’avais aussi entendu une fois à la radio une femme utiliser l’expression « Juif de la Shoah ». Cela m’a aussi interpellée. Je n’ai pas la culture juive au sens où je n’ai pas hérité des rites, des traditions et des fêtes. Je ne suis pas croyante mais j’ai hérité d’une histoire et cette expression me désigne.Il me sembl ...
