Alain Finkielkraut : « Sans la confrontation, j’ai parfois l’impression de mourir »

Actualité Juive : Dans sa réponse à votre discours de réception à l’Académie française, en 2016, Pierre Nora vous avait présenté ainsi. « Toute votre œuvre n’est qu’affrontement, échange, invocation, vous vivez dans l’éros de la discussion, de l’entretien avec les vivants et les morts. […] Vous avez besoin des autres, amis, ennemis, pour penser comme pour écrire et pour parler. ». Avec « En terrain miné », votre bibliographie s’enrichit d’un nouveau livre à deux voix. Pourquoi ce besoin ? Alain Finkielkraut : Mes premiers livres écrits avec Pascal Bruckner n’étaient pas des entretiens. Nous avions choisi d’écrire ensemble, de fusionner sous la forme de deux essais, « Le nouveau désordre amoureux » (1977) et « Au coin de la rue », l’aventure (1979). Nous étions un être à deux têtes et Pascal Bruckner m’a mis le pied à l’étrier. Mais une telle gémellité n’était possible que sur une courte durée. J’ai ensuite écrit des livres seuls  mais j’ai constaté en effet que, au fond, je ne pensais pas naturellement. La pensée en moi naît plutôt sous la contrainte d’un choc que dans l’élan d’un goût. Les autres m’aident à sortir de ma torpeur. Leurs interpellations me stimulent. Plusieurs livres de dialogue ont suivi, difficiles avec Rony Brauman puis Alain Badiou, avec le philosophe allemand Peter Sloterdijk et avec Antoine Robitaille. Une série de dialogue avec Benny Lévy a également paru en 2006, sous le titre « Le Livre et les livres ». A.J. : On pourrait voir dans cette approche une forme de résonance avec le débat talmudique… A.F. : Peut-être. Mon étude n’est pas celle de la Torah, c’est celle du présent. Et j’ai besoin d’un camarade d’étude. A.J.: « L’amitié ou la mort ! » (« havrouta oumitouta ») affirme l’un des maîtres du Talmud…A.F. : C’est vrai. Ce n’est pas toujours de l’amitié. Mais sans la confrontation, j’ai parfois l’impression de mourir. Lorsqu’Elisabeth de Fontenay m’a proposé que nous fassions un livre d’entretiens, j’ai hésité. Je me suis dit : « J’ai déjà donné, j’ai épuisé les charmes de cette forme ». Je lui ai alors fait part de ma préférence pour la correspondance. Je crois que bien m’en a pris. Elisabeth de Fontenay est très tempétueuse et il fallait la rigueur de la lettre ...

Vous devez être connecté(e)(s) pour accéder au contenu du journal

Je me connecte

Supplément du journal

Petites annonces

Votre annonce ici ? Ajouter mon annonce

Publicités

Bouton retour en haut de la page

Vous ne pouvez pas copier le contenu de cette page