Abraham Weingort : « Le droit de grève est un droit absolu du travailleur »
Actualité Juive: Dans quel contexte apparaît la réflexion rabbinique sur le droit de grève de l’ouvrier ?Rav Abraham Weingort : Le sujet est abordé dans une guémara du traité Baba Metsia, page10a. Rav, l’un des premiers amoraïm de la période post-mishnaïtique, donne la règle suivante : « L’ouvrier est en droit d’arrêter son travail au milieu de la journée ». C’est un droit absolu du travailleur. Le raisonnement de Rav découle du verset « Car les enfants d’Israël sont Mes serviteurs » (Vayikra/Lévitique, chapitre 25, verset 55), qu’il interprète ainsi : « Mes serviteurs » et non les serviteurs d’autres serviteurs. Si le serviteur devient l’esclave du patron, il cesse d’être le serviteur de Dieu. A.J.: C’est comme si dans cette relation bilatérale entre patron et ouvrier, intervenait un tiers, à savoir D.ieu, pour protéger ce dernier des risques d’aliénation. R. A.W. : Tout à fait. En permettant à l’ouvrier de s’arrêter au milieu de son travail, on écarte le risque de le voir complètement redevable de son patron. A.J.: Vous rapportez un commentaire des Tossafistes expliquant pourquoi ce droit de cesser son travail accordé à l’ouvrier est finalement la condition nécessaire à l’autorisation du principe même du salariat.Pour quelles raisons ?R. A.W. : Le verset cité plus haut, « Car les enfants d’Israël sont Mes serviteurs », constitue une source juridique pour interdire l’esclavage. Mais les Tossafistes ajoutent que l’homme a néanmoins le droit de louer ses services puisqu’il peut à chaque instant révoquer son contrat de travail. Ce travail au service d’un autre n’est autorisé qu’à cause de ce droit exclusif de révoquer le contrat à chaque instant. Il faut ajouter que, pour le droit juif, la rupture du contrat est quelque chose de très sérieux. Tout contrat fait avec un homme est considéré avoir été également réalisé avec Dieu. Ainsi ne pas rembourser une dette, c’est non seulement devoir de l’argent, mais aussi manquer à la parole donn ...
