L’œil de Moati

Je n’avais jamais imaginé que notre «Marseillaise» pouvait se transformer en «chant de haine» au cœur de l’Assemblée nationale. Et pourtant, il en fut ainsi, par les députés LFI, toujours plus «insoumis» face à notre Première ministre. Une femme seule, qui a tenu tête. Je pense que Mme Borne a dû invoquer, au plus profond d’elle-même, la mémoire de son père, Joseph Borne, né Bornstein, juif et déporté vers les camps d’extermination où moururent ses frères et le père de son père. Bien après, il se suicida alors qu’Élisabeth n’avait que 11 ans. Voici le passé de notre Première ministre. «Tenir tête», elle sait le faire. Et elle l’a prouvé, digne en cette France disloquée, qui explose en d’innombrables colères face à un
État ébranlé et un président par trop silencieux. La «réforme des retraites» est rejetée de toutes parts. Je n’y peux rien, alors j’ai choisi de filer au cinéma, en enjambant des collines de poubelles. J’avais trouvé le titre ridicule: Sage-homme, mais la réalisatrice, Jennifer Devoldère, a réalisé un film qui ne l’est pas du tout. Un jeune acteur formidable, Melvin Boomer, a raté son concours d’entrée en médecine pour la 2ème fois ! Un maigre choix s’ouvre à lui : rejoindre les sages-femmes durant deux ans pour pouvoir glisser à nouveau vers la médecine, la «vraie». Il est dépité. Il se retrouve être le seul «mec», flanqué d’une blouse rose. Une honte pour lui. Mais l’excellente Karin Viard, sa patronne et initiatrice, l’embarque du côté du combat pour la vie. Voici des têtes de bébés, à peine sortis du ventre de leurs mamans et des parents déjà fous d’eux. Voici une autre femme qui meurt en couches… On assiste à une supposée comédie qui nous émeut beaucoup. On y voit un jeune type construire son «identité» d’homme au sein du monde des femmes. C’est beau. Après, je suis rentré chez moi. L’homme que je suis a vu des Everest de poubelles, mais cela ne lui faisait plus rien, j’étais devenu plus humain, grâce à un film et des femmes. Comme toujours.