La parenthèse du Sirocco

Dossier coordonné par Yaël Scemama En cette fin d’année 2020, dans cette France qui nous a accueillis dans son sein, nous nous devions de commémorer le 150e anniversaire du décret Crémieux. Sans lui, nous ne serions peut-être pas là aujourd’hui, sans lui nous n’aurions peut-être pas une telle liberté de parole. L’histoire des juifs en Algérie a commencé avec les Phéniciens et s’est terminée en 1962 par leur départ, pour la plupart d’entre eux, en France. La parenthèse du sirocco a pris fin après vingt siècles. Vingt siècles difficiles parmi les Berbères, les Turcs et les Arabes. Vingt siècles de peine, de souffrance, mais de joie aussi. Vingt siècles au milieu de populations rarement bienveillantes, souvent indifférentes et parfois même hostiles. L’arrivée des juifs espagnols aux XIVe et XVe siècles apporta une brise d’espoir, de connaissance et de tolérance, presque dérisoire compensation dans ce Maghreb obscur et bien souvent violent. Humiliés, souvent persécutés, soumis aux lois humiliantes que devaient subir « les protégés de l’Islam », les nôtres plièrent, sans jamais sombrer, attendant un salut improbable. Et la France arriva en 1830 avec ses principes et sa civilisation. Ce fut un cadeau du ciel après des siècles de désespoir et de vie sordide. Les juifs abandonnèrent progressivement leur habit de dhimmi pour revêtir celui d’hommes libres. Il leur fallut attendre quarante années pour que leur avenir soit définitivement scellé dans un bienfaisant manteau de marbre blanc. C’est en octobre 1870 qu’eut lieu le grand bouleversement, l’Algérie devenait officiellement française. Elle abandonnait le régime militaire et se scindait en trois départements. Ce fut la fête parmi les colons, une joyeuse folie secoua le pays, mais les musulmans n’y participèrent pas. Choqués par cette négation de leur identité, ils crièrent à l’outrage, la révolte grondait et elle se traduisit par une véritable insurrection en 1871, essentiellement en Kabylie. Il fut à peine noté, de-ci, de-là, qu’un simple bout de papier, porté en avant par un dénommé Crémieux, venait également le 24 octobre 1870 de rendre tous les juifs installés en Algérie des citoyens français. Jalousés par les Arabes qui ne comprenaient pas pourquoi les « dhimmis » avaient soudain plus de droits qu’eux, méprisés par les nombreux émigrés espagnols qui gardaient un mépris ancestral pour cette « race maudite », guère appréciés non plus par les Français de souche, les juifs se firent discrets. Implantés dans le mépris qu’on leur accordait généreusement, ils ne savaient pas s’ils devaient se réjouir de cette liberté ou craindre de nouvelles menaces. Ils avancèrent à pas feutr ...

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