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Retrouver une médecine plus humaine

Les médecins libéraux sont au bord de l’épuisement eux qui avaient déjà été très affectés par la pandémie de Covid. On évoque souvent la détresse des médecins hospitaliers ; beaucoup moins celle des
médecins de ville qui se battent tant bien que mal pour parvenir à soigner leurs patients. Une charge de travail devenue excessive, des pressions financières et administratives accrues et le manque de soutien
sont responsables du malaise de la médecine de ville. Or, il faut bien se rendre à l’évidence, la seule obsession des soignants reste de pouvoir donner des soins de qualité, de retrouver une médecine
plus humaine, avec pour seule motivation, le souci de l’autre. N’oublions pas que les terminologies d’hôpital et d’hospitalité ont une origine commune. Ils proviennent du latin hospes, ou encore du terme oushpizin de la tradition juive qui signifie hôtes, invités. Ce lien doit être perçu comme la nécessité de donner des soins dans un climat accueillant et bienveillant. Les soignants doivent veiller à ce que
les patients se sentent écoutés et compris. Cette approche est au cœur même du soin. Elle se caractérise par une action qui vise à renforcer l’autre dans l’épreuve de la maladie pour qu’il retrouve son autonomie, son bien-être et sa place au sein de la société. Cette conception du soin ne peut se concrétiser qu’en accordant du temps à chaque patient afin d’évaluer son état de santé, son mode de vie et proposer des soins qu’il soit en mesure d’accepter et de réaliser. Cependant, cet objectif n’est possible que si l’on prend
conscience que le médecin est avant tout un soignant et que la majeure partie de son temps se doit d’être consacrée à son patient et non pas à des contraintes administratives chronophages et de plus en
plus importantes. La fermeture de plusieurs centres de Sécurité sociale n’a rien arrangé. Cette situation
oblige le médecin à rendre des comptes sur des historiques de remboursements ou tout autres préjudices administratifs. Les patients n’ont plus d’interlocuteurs, si ce n’est le médecin qui réalise les actes de
soins et qui prend, désormais, aussi en charge la transmission des feuilles de soins.
L’échec des négociations entre les médecins et les caisses d’assurance maladie est le reflet d’une inadéquation patente entre la gravité de la situation et les propositions gouvernementales. Les revendications récentes des médecins généralistes ne se réduisent absolument pas à une exigence d’un
tarif de consultation digne des responsabilités dont ils ont la charge, mais au besoin très concret d’avoir les moyens de mieux soigner. Les appels à la grève ne sont que la conséquence d’une situation sanitaire devenue inacceptable et qui fait craindre l’effondrement du système de santé. En effet, le nombre des médecins libéraux en activité ne fait que baisser et cette décroissance est bien plus importante que les prévisions des scénarios les plus pessimistes. 11% des Français, soit plus de 6 millions de personnes dont
657 000 ayant une maladie chronique, n’ont pas de médecin traitant. Une patiente m’expliquait qu’elle consulte un médecin généraliste dans un cabinet de deux praticiens âgés de 55 ans et 66 ans, et me
disait, d’un ton inquiet que le plus jeune lui avait confié qu’il ne poursuivrait pas son exercice quand son collègue partirait à la retraite. Comment sommes-nous parvenus à une telle situation ? La réponse réside dans le fait que nos gouvernements successifs, depuis près d’un demi-siècle, ont adhéré à l’idée
invraisemblable qu’il fallait réduire le nombre de médecins pour diminuer les dépenses sanitaires. Ils ont oublié de prendre en considération le vieillissement de la population française qui impose des soins toujours plus accrus. Ils ont alors instauré le fameux numerus clausus en 1972, ce qui a conduit à un effondrement du nombre de médecins formés qui s’est soldé par une baisse de plus de 60% d’entre
eux dans les années 1990. Sa suppression, en 2020, n’a pas vraiment amélioré les choses puisque l’augmentation des places en médecine pour 2022 n’était que de 13%.Un pourcentage relativement faible dû au fait que le nombre d’étudiants admis doit rester proportionnel à la capacité de formation de nos universités. Ainsi, il va falloir donner plus de moyens aux facultés de médecine si l’on veut espérer avoir suffisamment de soignants. En attendant, on assiste à la mise en place de nouvelles filières
pour de nombreux jeunes bacheliers français qui n’ont pas été sélectionnés dans le circuit Parcoursup pour accéder aux études de santé (PASS/LAS) ou pour ceux qui ne le tentent même plus.
Ils s’orientent vers la Roumanie, la Tchéquie, l’Espagne, le Portugal et bien d’autres pays, puis reviennent en France, une fois diplômés. Une situation rocambolesque qui mériterait qu’on y trouve des solutions pérennes sur le territoire national plutôt que de laisser partir des jeunes étudiants motivés pour
aller se former à l’étranger. Une alternative d’ailleurs qui n’est l’apanage que de familles aisées
qui ont les moyens de subvenir aux frais de scolarité et de logement plus importants qu’imposent des études dans des universités européennes. Hormis le fait que les formations sont
très inégales, il existe un inconvénient majeur, celui de l’impossibilité de se constituer un réseau de correspondants dans les hôpitaux français au cours des études. Ils seront en effet précieux pour le futur praticien quand il s’agira d’orienter ses propres patients. Nos gouvernants ont tout intérêt à prendre conscience de cette réalité de l’exercice médical en ville et réévaluer leurs actions tant dans le domaine
de la formation que dans les moyens donnés aux soignants. L’avenir et la santé de nos concitoyens en dépend.

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