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Élie Korchia : « Montrer la vitalité du judaïsme français sous de multiples facettes »

Élie Korchia explique la façon dont il a pensé et conçu cette grande journée du judaïsme français qui met à l’honneur Rachi. Il revient aussi sur ses huit premiers mois à la présidence du Consistoire central et analyse les défis qui se posent à la communauté juive.

Actualité juive : Yom Rachi va se dérouler le 10 juillet, à Troyes. Comment avez-vous imaginé cette journée du judaïsme français ?
Élie Korchia : L’idée est venue d’un premier constat. Je me suis d’abord rendu compte que depuis mon élection, la plupart de mes prises de parole avaient principalement trait à la mémoire de la Shoah, aux crimes antisémites et aux attentats, ainsi qu’aux menaces et atteintes aux libertés religieuses. Ce sont là des thématiques essentielles, mais il m’a paru important de mettre l’accent sur un grand événement novateur, positif et rassembleur. J’ai aussi estimé nécessaire de démontrer la présence plus que millénaire de la communauté juive au sein de notre pays, à travers la figure tutélaire de Rachi, le plus grand commentateur de la Torah et du Talmud qui a vécu à Troyes, il y a plus de mille ans, au Moyen Âge.
La vocation de cette journée, que j’ai imaginée avec mes amis de la Maison Rachi de Troyes et le grand rabbin de France, est ainsi de montrer la vitalité du judaïsme français sous de multiples facettes. Deux conférences de haut niveau, deux spectacles, une librairie et un musée éphémères, des peintres comme Garouste et Kleinmann, des sculpteurs: Myriam Sitbon et Franck Tordjman qui seront présents et commenteront leurs œuvres devant le public. Il s’agit d’œuvres avec des thèmes juifs mais chacun dans un genre très différent et ce sera donc passionnant de les découvrir au sein d’un même événement. Le photographe David Abitbol présentera, par exemple, des photographies originales de synagogues du monde entier. Nos deux grandes conférences, mises en scène par Steve Suissa, seront animées par le rabbin Didier Kassabi qui présente le dimanche matin l’émission À l’origine sur France 2. La chaîne est d’ailleurs partenaire de notre événement. Quant aux deux spectacles prévus au cours de la journée et offerts au public, ils devraient permettre de renouer avec l’ambiance festive mise en berne par deux ans de Covid. Il s’agira d’abord du spectacle musical « Le temps d’un violon » de Cécile Ben’s et Steve Suissa, qui sera joué dans la grande salle l’après-midi. Et le soir, Michel Boujenah viendra présenter en avant-première son nouveau spectacle, « Les adieux des Magnifiques ». Une façon de finir cette grande journée avec de l’humour et dans un esprit joyeux.

Quel public espérez-vous toucher avec ce projet ?
E.K. : Des familles tout entières qui, on l’espère, viendront se retrouver dans un cadre festif et intéressant. Cette journée est la toute première du genre. Toutes ces activités se dérouleront sur plus de 5 000 mètres carrés au sein du Parc des Expositions de Troyes, dans la ville même où a vécu Rachi.

Que représente Rachi pour vous ?
E.K. : Partout dans le monde, Rachi est présent dans l’étude de la Torah. C’est une figure tutélaire non seulement du judaïsme français, mais aussi du judaïsme mondial. Il a été le ferment d’une étude juive qui s’est transmise de génération en génération. Depuis 1000 ans, les juifs vivent avec son héritage spirituel, qui continue d’être vivant et c’est l’auteur français le plus commenté au monde. Rachi incarne ainsi la permanence de la pensée juive et de l’enseignement de la Torah sur plus de dix siècles. Il atteste aussi de l’ancrage des juifs en France. On évoque presque toujours une présence juive en France qui remonterait à la Révolution française et à la création du Consistoire par Napoléon. Or, cette présence juive date de bien plus longtemps et même du Moyen Âge pour ce qui concerne Rachi.

Outre la présence du grand rabbin de France et l’animation des conférences par le rabbin Kassabi, le programme de cette journée est très orienté vers la culture. Est-ce une orientation importante que vous entendez donner au Consistoire central ?
E.K. : Il ne s’agit pas tant de choisir une orientation que d’organiser un événement communautaire à l’échelle nationale qui soit novateur, positif et fédérateur. La Hiloula de Rachi aura lieu au cours de cette semaine-là et lui rendre hommage était également notre point de départ. Nous avons ensuite élaboré cette grande journée avec des activités qui puissent combler tout le monde, petits et grands, et dont la centralité reste la richesse de la pensée juive. Yom Rachi est un événement porté par le Consistoire de France et la Maison Rachi de Troyes. Nous avons aussi pu compter sur le soutien de grandes institutions juives et de fondations, ainsi que sur les pouvoirs publics locaux et régionaux que je tiens à remercier. Ces différentes participations démontrent d’ailleurs l’unité de la communauté juive à travers un projet novateur et ambitieux qui réunira plus de 1000 participants venant de différentes régions.

Faisons, si vous le voulez bien, un premier bilan de votre action communautaire. Vous avez été élu il y a huit mois, quel est votre ressenti sur votre mission ?
E.K. : Ces premiers mois ont été très intenses, tant au travers de mes déplacements dans les communautés régionales qu’à travers mes interventions publiques en tant que nouveau président du Consistoire de France, dans une période électorale décisive pour notre pays. L’objectif n’est pas tant à mes yeux d’intervenir en permanence, mais plutôt de faire passer des messages au moment opportun et dans le cadre des missions qui sont les miennes. Mon action première est une action de terrain dans toutes les communautés de France. J’essaie donc d’être présent au maximum et d’accompagner les dirigeants de communautés et les rabbins de mon mieux, en parfaite synergie avec le grand rabbin de France, Haïm Korsia. La semaine dernière, j’ai ainsi voyagé dans six communautés de province différentes dont Nancy, Verdun, Montpellier et Perpignan. J’ai aussi la chance d’avoir autour de moi une équipe composée d’hommes et de femmes qui sont de formidables responsables communautaires et dont l’action quotidienne s’étend aux quatre coins de la France. Quant à ma présence dans les médias, je pense m’être exprimé lorsque cela était nécessaire au cours de ces derniers mois mais j’aime aussi à penser que la parole des représentants communautaires ne doit pas être galvaudée pour pouvoir être écoutée quand il le faut.

Quels sont les dossiers qui vous accaparent le plus aujourd’hui ?
E.K. : L’accompagnement financier que nous devons réussir à accroître pour les différentes communautés, principalement en province. Trop souvent, le Consistoire central de France était vu comme une instance représentative, mais pas suffisamment outillée pour accompagner des communautés dans leur volonté d’agrandissement ou de création de projets. Aujourd’hui, l’objectif est donc de travailler sur les possibilités de subventions, qui permettront à certaines communautés de grandir davantage et de se renouveler. Le Fonds Myriam nous a aussi permis d’avoir un plan de modernisation de notre institution et nous sommes en train de le finaliser. Notre objectif pour les deux prochaines années est donc d’accompagner davantage les Consistoires régionaux et leurs communautés locales dans leur croissance. Nous devons être aptes à les assister sur le plan des montages financiers et organisationnels. De manière plus globale, ma priorité est d’accompagner des communautés juives qui non seulement se développent, mais aussi qui se créent dans certains endroits de France, comme cela est le cas en ce moment à Blois, par exemple. Je suis également très heureux de pouvoir inaugurer des mikvé, des salles communautaires ou des Beth Hamidrach (lieux d’étude). Nous mettons beaucoup l’accent sur l’importance de l’étude – des jeunes comme des moins jeunes – car c’est un moyen vital de faire vivre les communautés et de les dynamiser. Il faut montrer que la synagogue reste le cœur de la vie juive dans la cité. Autour d’elle, il faut toutefois offrir un panel d’activités et de propositions qui fasse venir davantage de personnes, lesquelles doivent se sentir concernées par la vie communautaire dans son ensemble. Je citerai aussi le projet d’amélioration du Séminaire israélite de France et le combat crucial pour préserver l’abattage rituel.

Revenons sur la campagne présidentielle que nous avons vécue cette année. En se focalisant sur le danger que pouvait représenter Éric Zemmour, les représentants de la communauté ne se seraient-ils pas trompés de cible ?

E.K. : Ce n’était pas une question de cible, mais de valeurs. C’est sur cela que, personnellement du moins, je suis intervenu. Il faut se remettre dans le contexte du mois de novembre qui voyait une recomposition de l’extrême droite en France avec, d’un côté Marine Le Pen et d’un autre, Éric Zemmour à qui l’on accordait 16% des intentions de vote. Ce candidat a défendu tout au long de cette campagne des positions qui n’étaient même plus portées par le RN, notamment au sujet de la Shoah, de Pétain et du capitaine Dreyfus, sans même parler de sa déclaration choquante au sujet des enfants Sandler. Dès lors qu’il y a eu des déclarations qui me paraissaient contraires aux valeurs qui sont les nôtres, il était important de dire les choses. Je refuse de vivre dans un pays où l’on nous mettrait une amende si nous sortions de chez nous avec une kippa sur la tête. Je refuse aussi que dans notre pays, qui compte la première communauté juive d’Europe et la troisième au monde, on puisse remettre en cause la possibilité de continuer à produire et à consommer, comme nous le faisons, de la viande cacher. Nos traditions et nos pratiques religieuses n’ont jamais été antinomiques avec les règles de la laïcité et la loi de 1905. Il était donc important de se positionner sur des éléments programmatiques et de les combattre, sans attaquer personnellement des personnes mais une idéologie qui remet en cause des principes qui nous sont essentiels.

L’Assemblée nationale compte désormais un nombre jamais vu de députés d’extrême gauche et d’extrême droite. Qu’est-ce que cela laisse présager en termes de préservation des libertés religieuses ?


E.K. : On assiste à une recomposition législative qui rebat les cartes. Nous ne sommes pas là pour nous positionner sur un choix politique, qui reste du domaine personnel. En revanche, notre vigilance sera extrêmement accrue et notre positionnement clair face à de nouveaux élus qui pourraient avoir des propositions allant à l’encontre de nos principes. Notre rôle sera aussi d’être force de propositions, d’expliquer un certain nombre de points pour éviter que l’emportent les idées préconçues et les préjugés.

Comment sur le terrain les choses vont-elles se dérouler ? La communauté juive conviera-t-elle ces nouveaux élus d’extrême gauche et d’extrême droite à ses cérémonies officielles ?

E.K. : Des élections démocratiques viennent d’avoir lieu et nous ne pouvons pas, pour le moment, avoir de déclarations péremptoires ou de principes. Il nous faudra discuter entre représentants institutionnels et avec celles et ceux qui font vivre les communautés juives localement. On ne peut pas non plus faire de procès d’intention aux uns et aux autres, juste être pour le moment dans la vigilance. S’il y a des remises en cause de la liberté de pratique religieuse, qu’elles viennent de l’extrême gauche ou de l’extrême droite, je me positionnerai clairement.

À l’aune des résultats des élections législatives pour le moins inquiétants, y a-t-il encore, selon vous, un avenir serein pour les juifs en France ?
E.K. : Aujourd’hui, l’inquiétude est là, non seulement au regard des résultats de ces élections, mais de tout ce que la communauté juive de France a connu au cours de ces quinze dernières années. Pour autant, il ne faut jamais baisser les bras. Les juifs qui vivent en France ont toujours été combatifs. Même après la Seconde Guerre mondiale, ils ont continué à construire et à croire en leur avenir. Je pense qu’aujourd’hui aussi, il faut rester combatif et positif. Je vois des communautés juives aller de l’avant, des écoles juives se développer et faire un travail exceptionnel, des restaurants cacher qui continuent d’ouvrir et de se remplir. On inaugure régulièrement de nouvelles synagogues. Je reste donc optimiste quant à notre capacité à nous réinventer où que nous soyons, comme nous l’avons toujours fait dans l’histoire.

La guerre en Ukraine se poursuit. Le grand rabbin de Russie, Pinhas Goldschmidt, ne peut plus rentrer dans son pays. Comment ce conflit risque-t-il d’impacter la vie juive européenne ?

E.K. : Je n’ai pas de crainte pour le judaïsme européen. J’ai vu l’exemple de la Conférence des rabbins européens qui s’est déroulée à Munich le mois dernier et qui a révélé une vitalité incroyable des différentes communautés juives d’Europe, sous la présidence du grand rabbin Goldschmidt, dont les prises de position récentes ont été saluées et respectées par toutes les communautés juives d’Europe. Avec les différentes communautés juives européennes, nous allons multiplier nos actions. Un Forum européen sur la laïcité et la défense des pratiques religieuses est d’ailleurs en préparation et j’espère l’organiser en France avant la fin de cette année 2022. Propos recueillis par Laëtitia Enriquez

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