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Justice : Ce que l’on sait de la mort de René Hadjadj

Le quotidien régional Le Progrès a rapporté, jeudi 19 mai, la défenestration d’un homme de 89 ans dans le quartier sensible de La Duchère, à Lyon, en précisant que la piste antisémite avait rapidement été écartée. Ce drame ravive des traumatismes, mais il oblige à la prudence.

Quels sont les faits ?

Mardi 17 mai, aux alentours de 20 heures, le corps sans vie de René Hadjadj est retrouvé gisant en bas de son immeuble de l’avenue du Plateau dans le quartier sensible de La Duchère, à Lyon. Les premiers indices laissent à penser qu’il ne serait pas tombé du 2ème étage, où il habitait, mais de bien plus haut. Très vite, les policiers interpellent un suspect, d’origine musulmane, habitant au 17ème étage. Celui-ci reconnaît avoir poussé le vieil homme, qu’il connaissait, à la suite d’une dispute liée, selon nos informations, à une histoire de photos compromettantes. Placé en détention provisoire, le mis en cause a ensuite été incarcéré. Une autopsie a été pratiquée sur le corps de la victime mais, à l’heure où nous mettons sous presse, ses conclusions n’ont pas été rendues publiques.

Qui était la victime ?

René Hadjadj, 89 ans, vivait dans le quartier de La Duchère depuis une vingtaine d’années.« On l’appelait tous tonton René », rapporte le quotidien Le Progrès après avoir réalisé une enquête de voisinage. Cet ancien tailleur était également une figure familière pour les fidèles de la synagogue Rav Hida de La Duchère qui le voyaient venir essentiellement à l’occasion des grandes fêtes.
« C’était une personne discrète, gentille, bienveillante », nous
dit son président, Tal Sazon. Sa sœur, ainsi qu’un de ses neveux vivraient également dans ce quartier. Divorcé, René Hadjadj aurait également trois filles avec lesquelles le contact aurait été rompu il y a longtemps.

Quelle a été la communication du parquet sur cette affaire ?

Nicolas Jacquet, le procureur de la République de Lyon, cherchait certainement à rassurer en déclarant au quotidien Le Progrès que « le caractère antisémite du
meurtre, qui a pu faire partie des pistes étudiées, semble désormais exclu ». Or, cette déclaration
a provoqué l’inverse de l’effet escompté. Sur les réseaux sociaux, c’est un sentiment de défiance à l’égard de la justice que bon nombre de personnes, traumatisées par
le traitement juridique des crimes antisémites qui ont eu lieu en France, ont exprimé. Pour elles, écarter la piste antisémite revenait à « mettre sous le tapis la piste la plus plausible ».
Pourtant, cette exclusion du caractère antisémite s’appuyait sur certains éléments : l’analyse du téléphone portable et de l’ordinateur du mis en cause ainsi que des propos qui ne laissaient pas transparaître un sentiment de haine à l’égard des Juifs, sans compter le différend rapporté au sujet des photos compromettantes. Le chaîne I24, qui s’est rendue sur les lieux du drame, rapporte aussi que, selon son enquête, le mis en cause était connu des services de police et aurait déjà menacé des habitants du quartier en disant qu’il allait les égorger. Depuis, Nicolas Jacquet, qui s’est entretenu avec la présidente du Crif Auvergne-Rhône-Alpes, Nicole Bornstein, a précisé qu’un juge d’instruction avait été désigné et qu’aucune piste ni motif ne seraient écartés. Pas même le motif antisémite.

Comment ont réagi les institutions et associations communautaires ?

Nicole Bornstein a publié un communiqué dans lequel elle a rapporté les éléments indiqués par le procureur et ajouté que le Crif Auvergne-Rhône-Alpes « sera très attentif au bon déroulement
de l’enquête et fait confiance aux autorités policières et judiciaires pour que le désastre judiciaire
de l’affaire Sarah Halimi ne se reproduise pas ». Sur Twitter, Francis Kalifat, président national du Crif, va dans le même sens et ajoute : « Il faut que dès le début, l’instruction de l’assassinat de La Duchère soit
la plus complète possible et que le caractère aggravant d’antisémitisme soit retenu quitte à le retirer par la suite ». Me Muriel Melki-Ouaknine, l’avocate de l’OJE, plaide pour cela depuis longtemps et l’a rappelé dans un communiqué au sujet de cette affaire.
Le BNVCA a, quant à lui, annoncé qu’il allait se constituer partie civile, « au vu des circonstances de ce drame, de l’appartenance de M. Hadjadj à la communauté juive – ce que son voisin ne pouvait ignorer – et de la similarité avec d’autres affaires et plus particulièrement celle de Sarah Halimi, torturée et défenestrée par son voisin musulman », précise son communiqué. Encore faudrait-il que la famille de la victime accepte que le BNVCA se constitue partie civile. Ce qui semble, en l’état, ne pas être le cas.

Comment réagissent la famille et les proches de la victime ?

D’une manière surprenante.
Contacté par nos soins, le neveu de René Hadjadj nous a sèchement demandé de « passer à autre chose ». Pour l’heure, ni lui ni aucun autre membre de sa famille n’ont décidé
de porter plainte ou de mandater un avocat, chose qui leur permettrait d’avoir accès au dossier. « Nous
vivons tranquillement dans un quartier difficile et nous ne voulons pas de problème », nous a-t-il dit également. Le président de la synagogue de La Duchère semble comprendre cette réaction. « Il faut laisser la police et la justice faire leur travail et il faut aussi respecter le choix des familles », nous dit-il, avant d’ajouter : « Nous sommes dans un quartier sensible, mais nous pouvons sortir avec notre kippa sur la tête ». À La Duchère, où le travail d’entente entre les communautés religieuses est promu et mis en avant, on notera toutefois l’absence de communiqué d’associations cultuelles déplorant le drame qui s’est produit.

Article écrit par Laëtitia Enriquez

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