ENTRETIEN : Patrick Mimouni « Proust a lu le Zohar »

L’essai magistral(et passionnant) que le cinéaste et écrivain Patrick Mimouni consacre à l’auteur de la Recherche divulgue son imprégnation par le judaïsme. Prout et vous, c’est un long compagnonnage. On retrouve, dans ce nouvel opus, un Proust à l’érotisme ardent mais aussi très juif et très mystique. N’est-ce pas, en somme, la religion de Proust que vous interrogez ici ? Patrick Mimouni- À la fin de sa vie, Proust écrivait à son cousin Lionel Hauser : « La préoccupation religieuse n’est jamais absente un jour de ma vie ». C’est dire combien, comme tous les mystiques, il était passionné par la religion, quand bien même seule une minorité de proustiens le présentait comme un mystique. On le voyait plu-tôt comme un agnostique, un mondain par ailleurs volontiers comparé à Montaigne. Vous-même évoquez la ressemblance entre l’auteur de la Recherche et celui des Essais. Le marranisme ?P.M. : Oui, car les Juifs de France, en tous cas les plus pratiquants, cachaient leur religion. Dans le ju-daïsme, le mysticisme relève d’une approche issue de la Kabbale et cela avait très mauvaise réputation à l’époque de Proust. Et ce, jusqu’à une époque récente d’ailleurs… La religion de Proust ressort à la fois au catholicisme et au judaïsme…P.M. : Jusqu’à la fin du 18e siècle, le judaïsme est essentiellement considéré comme la religion du peuple déicide. C’est surtout à partir de Renan, que Proust a bien connu, que le judaïsme est perçu comme l’invention du monothéisme. Bergson, le cousin de Proust, conjuguait judaïsme et catholicisme, comme un ensemble judéo-chrétien s’opposant à l’ensemble gréco-romain. Ce clivage s’opère encore aujourd’hui, notamment dans le discours d’Eric Zemmour qui en appelle à l’éthique des anciens Romains (À Rome, fais comme les Romains) : cela signifie adopter l’éthique stoïcienne animée d’un regard résolu et en même temps impitoyable quand il s’agit de défendre les intérêts de la nation ou de la cité, et remettant en cause ce qu’il nomme la « sensiblerie judéo-chrétienne »… C’est à Marcel Proust que le roman français doit, pour la première fois, de mettre en scène autant de personnages juifs. On voit bien, à vous lire, que le fait que « tout le gratin de la noblesse d’Empire se retrouvait allié à l’aristocratie juive » a été une source d’inspiration précieuse pour l’écrivain…P.M. : Il n’y a pas que la noblesse d’Empire, il y a au ...

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